Avant la conférence qui aura lieu jeudi 18 novembre à partir de 20h30 au lycée Jehan de Beauce, Cactus a interviewé les quatre intervenants de la soirée : Olivier Maupu (conseiller municipal et géographe urbaniste), Jean-François Bridet (vice-président de la région Centre-Val-de-Loire, conseiller municipal et architecte), François Roumet (urbaniste paysagiste) et Patrick Chenevrel (architecte).
1. Le PLU de Chartres, récemment modifié, est une arme de destruction massive des espaces arborés de notre ville. Selon vous, quelles sont les motivations du maire de Chartres et de sa majorité municipale ?
Oliver Maupu : « Si la motivation avait été de protéger les arbres et les jardins, le code de l’urbanisme regorge d’outils qui auraient pu être utilisés dans le Plan local d’urbanisme (PLU), mais cela n’a malheureusement pas été le cas. Cela prouve qu’il ne s’agit pas d’un objectif de la majorité. Les motivations reposent sur un objectif quantitatif de création d’un maximum de logements afin de contrecarrer la baisse démographique. Le PLU fixe un minimum de règles. Les promoteurs s’engouffrent dans cette opportunité, ils produisent un maximum de logements, dans une forme de promiscuité et de covisibilité, au détriment de la qualité de vie des habitants et riverains et de la protection des jardins et de la nature en ville. »
Jean-François Bridet : « Il y a d’abord une posture politique qui fait de l’arbre en ville un épouvantail écolo-gauchiste aux yeux de Jean-Pierre Gorges, malgré les indispensables services environnementaux qui font déjà de l’arbre en particulier et de la biodiversité en général l’allié indispensable d’une vie supportable dans l’espace urbain face à la pollution et au dérèglement climatique. De plus, la densification sauvage à l’oeuvre depuis des années à Chartres n’a pas permis de freiner la baisse démographique chartraine. En effet, le coût des logements produits favorise un renouvellement de population moins familial et plus âgé que la moyenne. »
François Roumet : « Je pense à une fuite en avant de la même famille qui « sauve l’emploi » à n’importe quel prix. C’est une posture idéologique et irrationnelle qui ne se donne même pas la peine de s’évaluer. En plus, « espace libre », « jardin », cela signifie « espace non maîtrisé », « non policé », échappant à une vie de consommation permettant la rencontre avec le payant, les voisins, la production de plantes, l’oisiveté. A proscrire absolument. On n’est pas loin du XIXème siècle. »
Patrick Chenevrel : « Sous prétexte de densification – objectif louable contre l’étalement urbain – et de « libéralisme », on laisse les promoteurs construire n’importe où et n’importe comment. L’intérêt particulier prend le pas sur l’intérêt général. »
2. Quels secteurs de la ville sont particulièrement en danger ?
Olivier Maupu : « Toute la ville est concernée, et les opérateurs de l’immobilier l’ont bien compris. Les programmes se développent partout, et notamment aux abords des grands axes et faubourgs où la présence d’un foncier généreux, en profondeur, favorise la destruction progressive des jardins. Les jardins ne sont pas vus comme des espaces de respiration, paysagers et de biodiversité mais comme des espaces « libres », donc urbanisables. »
Jean-François Bridet : « Tous les secteurs sont en danger, car en l’absence de règles, c’est la paresse intellectuelle qui règne. Il est toujours plus facile de construire sur le vide (l’air, l’espace, le végétal) que de réhabiliter (le plan de reconquête de l’hyper-centre vient à peine de débuter après 20 ans d’inaction publique) ou de reconvertir friches et dents creuses. »
François Roumet : « Je suis d’accord avec Jean François : tous les secteurs à partir du moment où il y a un espace libre. Mais, géographiquement, c’est d’abord la première couronne due la vieille ville, celle qui est la plus proche du centre prestigieux (donc vendable, représentable sur les documents de communication). La deuxième couronne (Madeleine, Croix-Bonnard…), la mairie s’en fiche et veut la densifier par mimétisme avec ce qu’elle souhaite autour du centre. »
Patrick Chenevrel : « Oui, tous les quartiers sont menacés car l’absence de réelles contraintes est générale, excepté à l’intérieur du Secteur Sauvegardé qui a son propre règlement. Les hauteurs autorisées sont souvent excessives et incohérentes d’une rue à l’autre. Ainsi un immeuble de 4 ou 5 étages peut surgir entre deux maisons de ville ! Et il n’y a pas de marge pour proscrire les contructions dans les jardins… »
3. Quelles solutions proposez-vous pour empêcher la catastrophe, et quel message délivrez-vous à la population ?
Olivier Maupu : « Il y a urgence à réviser le PLU pour l’adapter aux réalités écologiques du territoire déclaré comme particulièrement vulnérable aux changements climatiques (inondations, canicules, sécheresse) par le Plan Climat-Air-Energie Territorial (PCAET) de l’agglomération lui-même. La suppression des jardins accélère la vulnérabilité alors que la responsabilité des politiques devraient être l’adaptation face à la menace, donc la densification ciblée sur des sites de renouvellement, et le principe de préservation des jardins dans les autres quartiers. On est dans un déni de la réalité qui pourrait avoir de graves conséquences à l’avenir. J’invite les habitants à recenser leurs espaces de jardins et demander leur protection au PLU. Ils peuvent aussi se constituer en association de quartier visant la préservation de la qualité de leur cadre de vie face à d’éventuelles menaces existantes et à venir. En cas de recours, se baser sur une association de quartier déjà existante constitue un atout majeur. »
Jean-François Bridet : « La première réponse est politique, mais le prochain rendez-vous démocratique municipal ne sera qu’en 2026 ! La seconde est juridique, associative et militante. Les associations de quartier et autres collectifs de voisinage pourraient constituer un collectif de veille et d’expertise pour se soutenir dans leurs démarches. C’est une guérilla qui peut finir par décourager les promoteurs. »
François Roumet : « Il faut se mobiliser à chaque fois qu’on voit un projet à la con, remplir les registres d’enquête publique, écrire des articles, montrer du doigt. Une guerre de tout le temps. »
Patrick Chenevrel : « Le problème est que les Chartrains découvrent les projets seulement lorsque l’affichage du permis est posé en clôture du terrain. Il faut donc être très vigilant. En effet, les demandes de permis de construire ne sont plus annoncées dans le magazine Votre Ville. Alors, les riverains n’ont plus qu’un délai de deux mois pour réagir, et ils ne savent pas comment, pensent qu’ils ne peuvent rien faire, qu’il est trop tard… »
Interview réalisée par Gérard Leray
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Pratique : l’accès à l’amphithéâtre du lycée Jehan de Beauce, sis au 20 rue du Commandant-Chesne, quartier de Rechèvres, se fera par une entrée secondaire située sur le flanc gauche du site scolaire, côté Mainvilliers. Un service d’ordre stationnera devant la grille principale du lycée et orientera les personnes désirant assister à l’événement.
Attention : le passe sanitaire et le masque seront exigés pour entrer dans le lycée.