Ce matin d’octobre, les engins de chantier sont en action : la zone où la nature, en un peu plus de vingt ans, semblait avoir repris ses droits, est rasée. A-t-elle été dépolluée ? Les ouvriers présents ne le savent pas, ils ne peuvent qu’annoncer qu’il y aura construction.

Cette histoire de dépollution avait mis naguère en échec plusieurs projets d’urbanisation. Puisqu’il avait été épargné jusque là, j’avais fini par rêver que le seul devenir possible de l’endroit soit un parc, quand des pouvoirs dotés de raison et d’un peu d’humanité s’attaqueraient à tout le secteur, qui n’est pour l’instant qu’un nœud routier en pleine ville. Il n’aurait peut-être fallu que l’obligation, pour tel ou tel de nos édiles (les plus importants, les plus fragiles, aussi) de traverser quotidiennement, à pied ou à vélo (sinon cela ne compte pas) vers les Hauts-de-Chartres : une bonne dose de CO2 deux fois par jour, augmentée d’un petit accès de stress dû aux as du volant (ou à la simple vue de l’écoulement automobile, à son vacarme)…

Il faut croire que jamais cela n’a été nécessaire et, faute d’une telle épreuve, qui eût été bien opportune, nul décideur n’a eu ne serait-ce que l’idée de remédier à ces axes de circulation absurdes que sont le boulevard de La Courtille, véritable autoroute, et à double sens, et l’échangeur Dreux-Paris-Orléans en contrebas.

Béton et bitume promettent de progresser encore main dans la main. J’entends une voix qui, régulièrement, me rappelle à l’ordre : « … mais la loi du profit, ma chère… ». C’est Suez, paraît-il, qui a vendu la friche. Qui va construire ? Quelle est cette frénésie d’empiler sans fin ces affreux cubes gris, partout, sur l’ancien site de la piscine de La Courtille, rue Chanzy, et bientôt dans ce qui est baptisé « l’îlot Noël Ballay », où l’on voit derrière les murs … des arbres ? Existe-t-il tant d’acquéreurs fortunés en perspective ? A grands renforts de panneaux publicitaires, plusieurs de ces ensembles immobiliers ont été longtemps vantés au chaland, en vain, et voici que cela s’accélère. Craindrait-on que le sol de Chartres ne soit bientôt plus à vendre ?

Chantal Vinet