Ce roman-fiction, écrit en 1975 par un journaliste critique de cinéma américain, a été réédité en 2019. Il est intéressant parce qu'il aborde de façon étonnante les problèmes actuels posés par la transition écologique.

Ernest Callenbach imagine que trois États de l'ouest américain ont fait sécession pour construire une société éco-responsable. Vingt ans après l'Indépendance, un journaliste états-unien, William Weston, est autorisé à y faire un reportage pendant plusieurs mois. Il découvre une ville peu bruyante où piétons, vélos et taxis se côtoient sans heurts au milieu des avenues bordées d'arbres sans panneaux publicitaires. En Ecotopie, la décentralisation est la règle, les centres de soins et cliniques sont partout et de taille modeste. Cet aspect touche toute l'organisation de la société, les entreprises ne doivent pas dépasser 300 employés, tout doit rester à taille humaine. Les salariés, au moment de l'Indépendance, sont devenus propriétaires de leur entreprise et continuent de la faire tourner comme avant.

Le système scolaire repose sur l'initiative privée, les parents sont libres de placer leurs enfants dans l'établissement de leur choix. La télévision est un outil privilégié pour l'éducation populaire. Les vieux demeurent dans leur famille ou une famille d'adoption et contribuent à l'éducation des plus jeunes. Les femmes sont traitées à l'égal des hommes, elles occupent des fonctions semblables et touchent les mêmes salaires. Le pays est dirigé par une présidente que Weston rencontrera à la fin de son séjour.

Le travail est limité à vingt heures par semaine, ce qui laisse du temps pour les loisirs et le bricolage. Les écotopiens adorent réparer leurs objets et appareils. Les loisirs préférés des habitants sont la pêche, le canoë, la natation, la voile, le vélo et la randonnée, pas de loisirs motorisés. Le réseau ferré a été largement étendu dans tout le pays, les trains sont gratuits et les horaires scrupuleusement respectés. Les musiciens sont nombreux à jouer sur des instruments traditionnels, mais d'autres utilisent de petits amplificateurs pour les concerts.

Les détournements de fonds et la délinquance en col blanc sont sanctionnés avec la même sévérité que l'attaque à main armée ou le vol qualifié. La prison s'applique à offrir des conditions de détention correctes et encourage la réinsertion. La violence est toujours présente et le journaliste participe à des jeux d'affrontement à l'arme blanche qui s'arrêtent dès la première blessure.

En matière d'énergie, les écotopiens utilisent de préférence le vent, le soleil, les chutes d'eau, les marées et la géothermie. De petites éoliennes sont installées sur tous les toits en ville ou à la campagne. La forêt est exploitée de façon raisonnable, on évite les coupes blanches, et on remarque une grande diversité d'essences. Dès les premiers jours, Weston fait la connaissance d'une bucheronne dont il s'éprend. L'amour libre semble prédominer en Ecotopie, le mouvement hippie est encore très présent dans les années 1970.

Le tableau brossé par l'auteur n'est pas tout rose, Weston constate une forte baisse du niveau de vie par rapport aux États-Unis d'Amérique, la violence, la délinquance et le racisme perdurent, on relève quelques incohérences, mais l'ensemble des mesures adoptées dans cette société est assez intéressant et nous interroge : pourquoi le slogan : « There is no alternative » a-t-il triomphé alors que, bien avant Thatcher, on nous proposait un autre mode de société ?

Denys Calu

Ernest Callenbach, Écotopia, éditions Rue-de-l'Échiquier, 2019, 298 pages, 19 euros.