Philippe Labro, brillant journaliste et écrivain, n’arrête jamais. Alors que la cloche de la retraite a sonné pour la très grande majorité des personnes de son âge, lui continue son labeur. Animé par une curiosité insatiable, ce grand reporter vient de poster son dernier roman.

Cette fois-ci, pas question de nous embarquer dans les grands espaces, c’est plutôt du côté de l’humain que Philippe Labro nous entraîne. Et pas n’importe quelle histoire. Celle qui nous vient de la nuit des temps et qui repose sur la rencontre d’une femme et d’un homme. Avec Deux gimlets sur la 5e Avenue, Philippe Labro montre la complexité de l’amour sous l’angle de l’évolution de deux êtres qui s’aiment, se séparent à Paris avant de se retrouver quarante années plus tard dans les rues de New York.

Lucas et Élisabeth sont jeunes lorsqu’ils se rencontrent au début des années soixante à Paris. Cette balade romantique dans la ville lumière ne durera que le temps d’une chanson. Élisabeth, comme bien souvent les femmes, prendra la décision de mettre un terme à cette relation devenue boiteuse. Élisabeth et Lucas ne regardent plus dans la même direction. Malgré le désir ardent de Lucas de rester avec sa compagne, la rupture est finalement consommée. L’un et l’autre poursuivront leur vie avec des hauts et des bas, jusqu’à ce que le hasard décide de les réunir à nouveau.

C’est à New York, quarante ans plus tard, qu’Élisabeth et Lucas se croiseront. L’occasion pour les anciens amants de refaire le parcours de leur vie respective. Si Élisabeth a su mener une belle carrière professionnelle, du côté de sa vie sentimentale cela n’a pas été un long fleuve tranquille avec deux divorces. De son côté, Lucas a plutôt joué la carte de l’instabilité allant de boulot en boulot à peine rentables. Son plus grand virage, il l’a connu avec la guerre du Vietnam. Parti dix mois, il en revient un autre homme en pouvant dire : « Il y a ceux qui sont passés par la guerre et les autres. » et Philippe Labro de commenter : « C’était une banalité établie, mais si tu vis cette banalité, elle devient une exception. » Ce ne sont pas le journaliste-romancier Sorj Chalandon et le photographe de guerre Patrick Chauvel (mascotte du Prix Bayeux Calvados Normandie des correspondants de guerre) qui diront le contraire. Ces retrouvailles impromptues autorisent Lucas à se réinventer pour montrer à Élisabeth qu’il peut enfin croire en lui et pourquoi pas... croire en eux et en un avenir commun.

Avec Deux gimlets sur la 5e Avenue, Philippe Labro sillonne plutôt entre le roman et la nouvelle. Cet exercice du récit plus court permet aussi à l’auteur de retracer des faits marquants ou non. Des faits qui ont jalonné quarante ans d’histoire jusqu’à l’aube d’un XXIe siècle, marqué par l’effondrement de certaines certitudes.

Pascal Hébert

Deux gimlets sur la 5e Avenue, Philippe Labro, éditions Gallimard, 121 pages, 17 euros.

Photo Pascal Hébert