C'est une première au Nouvel An : à chaque fois que je présente mes vœux, cette année, je crains que l'on ne me réponde « Vous vous f… de moi ? »
Mais ce n'est pas (encore) arrivé, mes interlocuteurs ne semblent pas avoir perdu foi en l'avenir, même après dix mois de génocide ukrainien (et russe) commis par la mafia du Kremlin, quatre d'odieux châtiments infligés aux jeunes Iraniennes et à leurs soutiens par la mafia des mollahs, même avec la marche accélérée vers l'inhabitabilité de la terre, l'esclavage au profit de la planète foot, l'explosion de la consommation de cocaïne. STOP ! Il faut bien commencer l'année, et ceux qui me répondent ne s'y trompent pas : j'entends « paix », « santé », « mesure », « raison » - on ne se lasserait pas d'écouter.
Reste que : comment faire triompher l'équilibre (on n'en demanderait pas plus) dans un monde pareil ?
Ce n'est pas en éjectant Marie Lajus, préfète d'Indre-et-Loire, et autrefois de Charente où elle a laissé le meilleur souvenir, que le gouvernement français aidera à moraliser la marche du pays et au-delà. Cette affaire de nid de start up au château de Louise de La Vallière défendue en haut lieu résume à elle seule l'horreur libérale post-sarkozyste : de l'argent public, beaucoup, prodigué à des privés qui, sous prétexte de tech et d'improbable progrès, s'approprient le meilleur de la nature et du patrimoine historique à l'initiative et avec la bénédiction des élus locaux.
Dans le même temps où l'on mégote le moindre sou aux étudiants, aux chômeurs et autres pauvres, pour ces opportunistes déguisés en experts, rien n'est trop beau et le résultat jamais évalué. Cumul d'incurie, d'affairisme, de copinage, de haine à l'égard des (vrais) grands serviteurs de l’État, à plus forte raison d'un grain de sable inattendu fait femme.
Madame Lajus fait en ce seuil de l'année figure de vigie, et sa ténacité, sa crâne défense de la liberté de la presse sont réparatrices : sa carrière va en pâtir, mais l'éthique est sauve. Elle, on la retrouvera plus loin, d'autant plus légitime.
A Chartres, les médecins sont nos « Lajus », qui alertent sur les salles d'attente surpeuplées où explosent angoisse et exaspération des patients déboussolés : ce spectacle ne figure pas dans les distributions en papier glacé du maire, qui est aussi président des Hôpitaux. Ni celui de la fonte, pitoyable, place des Epars, de la glace de la patinoire, ni le broyage des sapins, leurres d'un Noël hivernal, l'heure de la consommation ayant sonné. Les grues sont partout - y aura-t-il longtemps du béton ? Mais nos marronniers, eux, ont entamé la traversée de l'hiver.
Rendez-vous est fixé au Tribunal de Chartres vendredi 6 pour le procès intenté par le maire aux élus et militants écologistes. Une façon pour nous de revenir dans le vif de la réalité, et de réaffirmer une vigilance sans faille, presque à mi-mandat : tout le second versant consistera à instaurer dialogue et actions communes avec nos concitoyens.
Installons des bancs sur les trottoirs, au pied des immeubles,
Posons des verres sur les tables,
Causons, rions, et pleurons parfois,
Cultivons quelques mètres carrés de terre,
Sauvons et plantons des arbres, toujours,
Echangeons ustensiles, recettes, services,
Accueillons sans façon ceux qui arrivent,
Faisons connaissance en somme.
Vœux pour un an présent, à continuer...
Chantal Vinet, présidente de l'association Chartres Écologie.