L’annonce est arrivée quelques jours avant Noël : retour aux 90 km/heure sur les routes d’Eure-et-Loir. Bonne ou mauvaise nouvelle ?

La voie publique est fréquentée par une grande diversité d’usagers, qu’ils soient ou non conducteurs. Professionnels, artisans, ambulanciers : « Mon temps est contraint, je suis constamment pressé ». Dirigeants, commerciaux : « Chaque minute compte, et ma voiture est puissante et sûre ». Les jeunes conducteurs : « Je n’aime pas les contraintes et je fonce ». Personnes âgées : « J’ai tout mon temps, et je ne veux pas que l’on me presse ». Médecin urgentiste : « J’accueille les blessés, et on aurait peut-être pu les éviter ». Cyclistes : « Je fais du vélo, mais j’ai peur ». Enfants entre maternelle et collège « Mes parents ont peur pour moi ». Pour ajouter à la complexité, chacun de nous appartient selon les moments à telle ou telle catégorie.

Des idées reçues

« Le bon conducteur, c’est avant tout un bon pilote ». Vrai dans les années 50-60, quand les routes et les véhicules étaient peu « techniques ».

« Le maillon faible, c’est l’état des routes françaises ». A l’expérience, dans la plupart des cas d’accident, le maillon faible, c’est l’humain fatigué, stressé, distrait, au choix.

« Les voitures modernes sont super-protectrices, et capables de s’immobiliser en quelques mètres ». Illusion en partie : aucun constructeur ne promet la survie pour un choc à plus de 50 km/h, y compris en SUV. Quant au freinage, il est normé, et équivalent pour tout ce qui circule en Europe.

« Je suis moins dangereux quand je roule plus vite, car je suis concentré ». C’est possible, mais comment gérer l’obstacle imprévu et l’erreur de l’autre ?

Quel est le problème ?

Les morts et blessés de la route font moins de dégâts que certaines maladies, certes. Mais depuis une cinquantaine d’années, c’est un domaine où l’on sait ce qu’il faut faire pour les éviter. La difficulté est que les résultats scientifiques des études et expériences sont presque toutes contre-intuitives. Comment faire accepter qu’il faille rouler moins vite dans un SUV « suréquipé » de 2020 que dans une Renault 8 des années 60 ? Le conducteur se veut libre mais la famille veut le zéro risque… Comment faire comprendre que l’un des éléments-clés réside dans un différentiel de vitesse le plus bas possible entre véhicules pour jouer gagnant ? Comment préserver les plus fragiles ?

Quelle politique mettre en œuvre ?

Le vingtième siècle et la maîtrise des hautes énergies (aéronautique, nucléaire, TGV) ont imposé le règne des procédures et de l’automate. Le conducteur de train et le pilote de ligne ne gèrent pas leurs système à l’intuition, ils appliquent. Dans le domaine routier, le modèle « nordique » consiste à définir une règle, parfois plus libérale que chez nous (ex. le taux d’alcoolémie au Royaume Uni), mais à la faire respecter sans discussion. A titre d’exemple, les grandes agglomérations britanniques et allemandes sont couvertes de radars automatiques.

Conclusion

Selon l’usage français, lorsqu’une règle n’est pas respectée, on produit un nouveau texte pour la durcir. L’abaissement de la vitesse à 80 km/h a été mal préparé, pas argumenté et pas contrôlé ni sanctionné. Pas étonnant que les résultats ne soient pas au rendez-vous. La démagogie faisant son œuvre, on décrète alors que la mesure n’était pas justifiée. Politique de gribouille. Pouvons-nous espérer que le retour aux 90 km/h soit assorti d’un réel contrôle sur le terrain ? Ce serait préférable au cadre précédent qui a laissé trop de conducteurs circuler à 100 ou 110 sur nos départementales.

Bernard Renet