Paul Ariès, Écologie et cultures populaires, éditions Utopia 2015, 232 pages, 10 euros.

Cet essai est avant tout un coup de gueule contre le préjugé qui voudrait que les classes populaires soient peu disposées à la transition écologique. Paul Ariès ne nie pas que ces classes populaires habitent des logements qualifiés de « passoires thermiques », qu'ils roulent avec de vieilles voitures polluantes et sont amateurs de charcuterie et de sucreries, mais les statistiques montrent que leur bilan carbone est nettement inférieur à celui des classes aisées. En effet, les riches voyagent souvent en grosse cylindrée et en avion, ils pratiquent le gaspillage alimentaire sans état d'âme et utilisent quantité d'appareils électriques et électroniques consommateurs d'énergie. De leur côté, les pauvres circulent majoritairement à pied et prennent les transports en commun, bus et métro, tandis que la modestie de leurs revenus obligent à la sobriété. Si les milieux aisés partent souvent en vacances pour des destinations lointaines, les milieux populaires partent peu et pratiquent le camping.

L'auteur, condamne sans faiblesse l'hyper-capitalisme qui, non seulement détruit la nature, mais également les liens sociaux, notamment par la division du travail et le télé-travail. Il remarque que les grands travaux inutiles et imposés sortent de l'imagination de technocrates bien éloignés des besoins des potentiels usagers, très rarement consultés. Il observe en revanche, que les gens de peu considèrent le jardinage, le bricolage, le tricot, la couture, la réparation et l'entraide entre amis et voisins comme un mode de vie qu'ils pratiquent à leur rythme, sans la contrainte d'un chef et qu'ils y prennent plaisir.

Paul Ariès estime que les gens du commun n'auront pas de mal à s'inscrire dans la transition énergétique puisqu'ils savent déjà vivre autrement, en France comme dans les pays en développement. Le politologue déplore que les valeurs de liberté, égalité, fraternité, solidarité, respect du vivant aient été abandonnées pour sacraliser l'argent, la technique et la croissance.

Paul Ariès nous conseille, à l'exemple des milieux populaires qui se sont toujours méfiés du pouvoir, de construire dans nos organisations des lieux de contre-pouvoir et de pratiquer la libre circulation de la parole et de toutes les formes d'expression, sans chercher la conquête du pouvoir. Il conclut : « Les milieux populaires sont une chance pour l'écologie. »

Cet ouvrage est assez surprenant car il prend le contre-pied des idées reçues. On peut lui opposer que les milieux populaires sont particulièrement exposés à la publicité, mais les arguments de l'auteur sont assez convaincants.

ECDC

Paul Ariès est un politologue français, auteur d'une quarantaine d'ouvrages, spécialiste de l'alimentation, de la décroissance et de sciences politiques. En 2010, il fut l'un des organisateurs d'un colloque à Vaux-en-Velin intitulé « Ralentir la ville ».