Le 15 mars dernier, l’élection a valu à Chartres Écologie quatre sièges au Conseil Municipal ; nous avons été honorés des voix qui ont marqué la confiance de presque deux mille Chartrains, et nous sentons désormais moins seuls : dans cette cité, d’autres que nous sont prêts à agir avant que les catastrophes climatiques ne soient irréversibles.

Mais cette place dans l’opposition, c’est tout de même le lot des deuxièmes. Un second mandat d’opposition se dessinait pour moi, quatorze ans après la fin du premier que j’avais déjà expérimenté face à celui qui est l’ancien et le nouveau maire de Chartres. Un tel sort était inenvisageable : je n’avais accepté la tête de liste que pour l’emporter, pas pour redoubler : je viens de poster ma lettre de démission. Et je m’explique.

Vindicte

La tenue des trois premiers conseils municipaux à elle seule valide mon choix : rien n’a changé, c’est peut-être plus brutal qu’auparavant. Dès les premiers instants de l’installation du premier conseil, la parole des (vrais) opposants a été considérée par le maire comme une effraction, et la machine à les déconsidérer s’est déclenchée, à grand renfort d’invectives et de contrevérités, d’accusations sidérantes. Les adjoints et, parfois, de plus bénévoles conseillers de la majorité prêtent main forte au maire dans des mises en scène grossières dont on se dit : « Ils n’ont pas honte. » Croient-ils, certains, œuvrer ainsi au bien de la ville qu’ils sont supposés servir ?

De l’utilité d’être expert

Dans l’arène, dans les commissions et dans d’autres instances, mes quatre colistiers, Brigitte Cottereau, Quentin Guillemain, Jean-François Bridet, Olivier Maupu, respectivement juristes, architecte, urbaniste, auxquels les dossiers les plus verrouillés ne font pas peur, seront les seuls veilleurs et lanceurs d’alerte pour la commune et l’agglomération, aptes qu’ils sont à mettre à nu les ressorts de la politique locale, quasi cantonnée aux chantiers, et dévouée à la promotion immobilière.

Leur travail difficile sera d’autant plus gratifiant que vous tous, habitants de Chartres et des communes de l’agglomération, suivrez régulièrement les conseils et les décisions : c’est long, fastidieux pour qui n’est pas au fait des dossiers, mais chacun peut voir dans ces assemblées se décider ce qui nous concerne tous au premier chef. Vous garantirez aussi, par votre présence, même par la voie numérique, l’obligation faite au maire-président de respecter le débat. Et il est certain que Chartres Écologie, qui reste unie et présente derrière ses élus, aura besoin que le public soit informé et mobilisé.

Ce mandat est un échauffement pour les élus écologistes : Chartres est une ville qui occupe dans le palmarès des villes artificialisées une place de choix, et la fournaise actuelle nous en fait vivre à chaque instant les conséquences. Puisqu’il leur faut attendre encore d’être les décideurs, qu’ils soient au moins ceux qui obligent à appuyer sur le frein.

L’action alternative

Ainsi, demanderez-vous, vous quittez le Conseil municipal : pour quoi faire d’autre ? Chartres Écologie devient une association loi 1901, au sein de laquelle je prendrai toute ma part, comme présidente. Le 4 juillet dernier, elle s’est constituée, et peut déjà revendiquer quatre-vingts adhérents. Conformément à la ligne originelle de la liste, son nom exact et complet est « Chartres Écologie, pour une agglomération solidaire, responsable et créative » : impossible de penser Chartres hors de son réseau de campagnes, de villes, de petites cités et de villages avoisinants. Quel sera le rôle, et quelles seront les missions de l’association ? Rien moins qu’impulser ce que, à la Mairie, nous aurions mis en œuvre.

La première de nos tâches sera de retourner dans les quartiers, où les gens nous ont fait observer au cours de la campagne qu’ils ne voyaient que les candidats aux élections : c’est simple, l’actuelle majorité se désintéresse de la vie des habitants ; ils ne sont pour elle que des populations à installer dans des clapiers pour rentabiliser le béton. Cet été, les Maisons pour Tous sont fermées (le virus est providentiel), ce qui induit les dégâts que l’on peut deviner parmi les gens qui « ne partent pas », la jeunesse et les plus âgés, surtout.

Nous nous mobiliserons pour rompre l’isolement et pour créer les liens solidaires de nature à transformer les rapports sociaux partout dans la ville. A la fin du mois d’août, nous présenterons les membres de l’association et annoncerons ici même, dans Cactus, le programme que nous nous assignons.

Je ne saurais terminer cette explication de ma démission sans exprimer ce qu’a signifié à mes yeux cette expérience de la constitution d’une liste et de l’implication dans la campagne. Tout cela a duré un an, fut jalonné de leçons politiques (les partis n’agissent que guidés par l’intérêt des places à occuper), de rencontres d’abord civiquement motivées, puis cimentées par la confiance et l’amitié, au long de soirées de débats sans esquive.

Je rends grâce à ceux qui n’ont durant tous ces mois songé qu’à l’avenir de la ville, à l’obligation que nous avons de la transmettre vivable à ceux qui nous suivront. Aujourd’hui, les mêmes, dotés d’un mandat municipal désintéressé, ou motivés par leur seule éthique et le besoin d’être utiles, sont résolus à faire durer l’unité constituée dans ce qui s’appelle une opposition sans concession et constructive.

Chantal Vinet, présidente de l’association « Chartres Écologie, pour une agglomération solidaire, responsable et créative ».