La Ville de Chartres a engagé une procédure afin de modifier son Plan local d’urbanisme (PLU). Il met à disposition du public le dossier dans le cadre de la concertation obligatoire. Les objectifs affichés par cette « modification simplifiée » sont les suivants :
• rectifier des erreurs matérielles,
• ajuster pour certaines zones du PLU les dispositions des articles 6 et 7 concernant respectivement les implantations des constructions par rapport aux voies et emprises publiques et les implantations des constructions par rapport aux limites séparatives,
• supprimer ou réduire des emplacements réservés définis à l’article L.151-41 du Code de l’urbanisme.

Il apparait clairement, après analyse du dossier, que certaines modifications du PLU visées par cette procédure, ne concernent aucun de ces trois points. Par ailleurs, le dossier, particulièrement peu détaillé, ne comprend pas l’avis de la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE). Veuillez trouver ci-après l’analyse détaillée, ainsi que les observations et propositions de l’association Chartres Écologie.

1. Moulin des Graviers – Secteur de l’avenue d’Aligre
Nous sommes opposés au projet de déclassement de la protection patrimoniale du Moulin des Graviers dans l’OAP « Aligre ». Il s’agit d’un bâtiment remarquable dont, certes, les menuiseries, planchers et toitures ont brulé dans un incendie. Néanmoins, l’ensemble des fondations et des murs, des modénatures et ornementations en briques sont en place : ce bâtiment reste remarquable au titre du patrimoine de par son histoire, son architecture, son gabarit et son positionnement dans un site naturel à quelques mètres du cœur historique de la ville de Chartres. Détruirait-on Notre-Dame-de-Paris après son incendie ? Evidemment que non, on la reconstruit !

Le rapport de présentation de la présente procédure est erroné : ce moulin est maladroitement décrit comme « un bâtiment en ruine ». Il s’agit d’une erreur de langage de le décrire en tant que « ruine », figeant ainsi son avenir. En effet, selon les termes de l’article L 111-23 du Code de l’urbanisme « la restauration d’un bâtiment dont il reste l’essentiel des murs porteurs peut être autorisée […] lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment ».
Proposition :

Ce bâtiment est le seul témoin du passé industriel des moulins le long de l’Eure présents à Chartres, qui n’ait pas une activité privative de type industrielle, commerciale (évènementiel…), ou résidentielle, dans l’agglomération. Il constitue donc la dernière opportunité de conserver et valoriser la mémoire, l’héritage, de ce passé. Plutôt que de supprimer cette protection patrimoniale, nous pensons qu’il serait opportun d’étudier les possibilités d’acquisition de ce bâtiment et d’assurer sa transformation en équipement public : « Maison de l’eau, de l’énergie et de la biodiversité » à vocation pédagogique et scolaire, par exemple. Mais encore, autre exemple : lieu d’exposition et de spectacle, combiné à une visée commerciale de type restauration, guinguette, le tout à 200 m du secteur sauvegardé, et le long du plan vert, l’endroit idéal pour ce type de structure …

2. Article UA2 : occupation du sol soumises à des conditions particulières
Cette modification vise à permettre des autorisations de types résidentielles spécifiques dans la zone UA correspondant à la zone d’activités économiques de Chartres. La justification d’autorisation des sous destinations de type « résidences services, résidences destinées aux étudiants, résidences jeunes travailleurs » est motivée, dans le dossier présenté, par « le maintien et l’exploitation » d’hébergement de publics spécifiques de la CCI et de l’association ANAIS. Or, ces constructions étant antérieures, elles ne nécessitent en rien un changement réglementaire. Ou bien un changement réglementaire spécifiquement pour ces deux constructions aurait été possible (sous-secteur sur le plan de zonage).

La justification de cette modification semble donc erronée, et il est prévisible que l’objet de cette modification vise clairement la volonté de construire de futures formes d’habitat dans la zone industrielle. Il ne s’agit donc pas d’une erreur matérielle, mais d’un changement d’objectif pour cette zone.

Rappel de l’objectif pour cette zone au sein du PADD : « permettre l’accueil de l’industrie sur le territoire dans des secteurs dédiés, non résidentiels ». La justification de l’objectif de la zone UA, dans le rapport de présentation du PLU est la suivante : « la zone UA correspond aux zones d’activités économiques du territoire. Il s’agit d’un tissu bâti spécifique lié à l’identité industrielle du site : parcelles et emprise au sol des constructions importantes, distance marquée par rapport aux limites des parcelles, hauteurs adaptées … Ces espaces d’activités ont vocation à être pérennes et à accueillir une grande diversité d’activités économiques. »

En ouvrant des possibilités réglementaires de réaliser de création de logements spécifiques dans l’ensemble de la zone UA, la présente procédure de modification simplifiée du PLU contrevient à l’article L 123-13 du Code de l’urbanisme, puisqu’elle porte atteinte à l’économie générale du projet d’aménagement et de développement durables. Aucune des prescriptions du DOO du SCOT, applicable dans un rapport de compatibilité pour le PLU, ne vient soutenir cet objectif quant au Jardin d’entreprise par exemple.

Par ailleurs, nous sommes fermement opposés à l’accueil de résidences services, résidences étudiantes ou toute autre forme de résidence dans la zone d’activités économiques (vaste zone UA du PLU), étant donné la présence de risques et pollutions industriels, de nuisances et de pollutions routières (autoroute et rocade) qui ne sont pas propices à l’accueil résidentiel dans de bonnes conditions en matière de santé humaine. Les justifications du PLU de 2015 sont limpides à ce sujet : « le développement économique soutenu par le PLU implique un risque potentiel lié à la proximité d’entreprises « à risque » (ICPE) avec les zones d’habitat ». L’article L123-13 du Code de l’urbanisme précise que « La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée […] ne comporte pas de graves risques de nuisance. » Ce qui n’est en rien démontré dans ce dossier.

Par ailleurs encore, autoriser le résidentiel dans la zone d’activités signifie que ce type d’habitat bénéficiera d’un règlement extrêmement favorable en matière de gabarit (coefficient d’emprise au sol à 60 ou 70 % de la parcelle et hauteur fixée à 15,50 m !). Ces règles sont fixées initialement et justifiées dans le PLU de 2015 pour la création de bâtiment d’activités économiques : elles sont inadaptées à l’habitat, et pourtant inchangées dans le cadre de la modification simplifiée du PLU.

La Ville de Chartres regorge de sites beaucoup plus en adéquation avec ces demandes résidentielles spécifiques, dans des lieux plus humains, plus proches des centralités commerciales et de services, à l’image du site du Foyer d’Accueil Chartrain, par exemple, qu’il convient de maintenir dans sa localisation actuelle pour favoriser l’inclusion sociale.

3. Modification des règles relatives à l’implantation des constructions
La modification vise à permettre, pour les constructions d’habitations individuelles, des possibilités d’implantations différentes par rapport aux voies et emprises publiques, dans quasiment toutes les zones du PLU : zones UBG, UCB, UGF, UHL, UM, UR, USB, USC et USJ.

D’une part, juridiquement cette disposition est une erreur en droit puisque le PLU ne peut différencier de règles spécifiques aux constructions individuelles ou collectives : on ne peut scinder une même destination.

D’autre part, notre vision de l’urbanisme est justement d’envisager une densification ciblée sur des sites adaptés, encadrés, maîtrisés, et surtout pas une densification diffuse, sans contrôle, dans la ville, au gré des mutations foncières, synonyme de disparition progressive des jardins et cœur d’îlots. C’est cela que cette modification va provoquer !

Le PLU de Chartres date de 2015. Il est déjà excessivement permissif et très discrétionnaire dans ses possibilités d’instruction du droit des sols, étant donné les nombreuses formes de dérogations à la règle principale de chaque article, autorisant une implantation autre que celle prévue. Par exemple, alors que l’article 7.1 fixe une règle métrique d’implantation des constructions à 6 mètres des limites séparatives, le règlement précise à la ligne suivante qu’« une implantation autre que celle fixée au 7.1 peut être autorisée :
• pour favoriser une continuité bâtie dans le cas des extensions d’une construction existante ;
• pour permettre une meilleure intégration du projet dans son environnement ;
• pour tenir compte de la configuration de la parcelle ;
• pour tenir compte de l’implantation des constructions existantes ou projetées sur le parcellaire voisin ;
• pour respecter la dominante du paysage urbain sur la façade de l’ilot.»

Autant inscrire que l’implantation est libre et qu’elle ne tient pas compte de la présence de vue directe, puisque c’est le cas ! Cette règle nécessiterait d’être modifiée puisque la création de vues directes (fenêtres, balcons…) de constructions impacte lourdement les parcelles voisines dans de nombreuses opérations résidentielles passées et à venir.

Plutôt que d’ajouter des possibilités supplémentaires, le PLU nécessiterait au contraire une révision générale pour assurer la protection de la nature en ville pour des raisons de perméabilité et de vie des sols, du paysage, des arbres, du patrimoine bâti. Il s’agit du respect du cadre de vie des Chartrains qui est d’intérêt général, mais ce n’est malheureusement pas le sujet de la présente modification simplifiée.

4. Supprimer ou réduire des emplacements réservés définis à l’article L.151-41 du Code de l’urbanisme.
Sur les emplacements réservés. 36 existent dans le PLU applicable. Nous comprenons qu’une actualisation puisse être nécessaire au gré des acquisitions, et qu’une rectification des erreurs matérielles soit opérée. Néanmoins, pour assurer une parfaite transparence pour chaque changement opéré, il aurait été préférable qu’il soit motivé par une colonne supplémentaire sur le tableau : (acquis en totalité, partiellement acquis, abandonné pour x raisons, etc.). Ainsi, pour trois d’entre eux, nous souhaitons obtenir les réponses aux questions suivantes :

  • ER n°1 Elargissement du carrefour Fresnay / Arbre de la Liberté / Paix
    Quelle est la motivation du maintien de l’emplacement réservé alors que le plan de circulation expérimental en sens unique permettrait la création de circulations douces aux normes sans élargissement de l’espace public ?
  • ER 33 « Création d’une liaison douce Bel Air/Petites Filles Dieu » Pourquoi maintenir un emplacement réservé pour création d’une liaison douce alors qu’il existe une falaise de craie abrupte infranchissable d’une quinzaine de mètre de hauteur dans ce secteur, et que la rue Gabriel Loire située à 150 m au nord de cet ER vient d’être élargie pour permettre une sécurisation des déplacements doux ?
  • ER 35 « Création d’une piste cyclable coteau des Perriers »Quelle est la motivation précise de la suppression totale de l’emplacement réservé situé au 44, 46 et 48 rue des Perriers, prévu pour la création d’un accès piéton, poussettes/vélo du plateau à la vallée, dans le cadre du plan vert ? Même si un dénivelé de 16 mètres existe, la longueur et la largeur de l’emplacement réservé permettrait la création d’une piste cyclable en lacet en toute sécurité, et répondant aux besoins des habitants de ce secteur puisqu’aucun franchissement cyclable n’existe avant plusieurs centaines de mètres à l’est ou à l’ouest.