Quand je me plaisais à dire que je me rendais à Paris à vélo, je fanfaronnais en omettant, dans un premier temps, de préciser qu’entre la gare de Chartres et la gare Montparnasse, c’est la SNCF qui me transportait avec ma monture…
Durant le confinement sanitaire qui limitait dans l’espace les défis personnels, j’ai conçu le projet d’une visite à des amis parisiens sans autre recours que celui de mes mollets.
Après quatre ou cinq entraînements dominicaux modérés, accompagné par un collègue de l’AS Lèves, j’ai pris la route de Paname, chargé d’un petit sac à dos le vendredi 23 juillet à 16h30.
Un réseau secondaire peu encombré de véhicules jusqu’à Gallardon et Rambouillet, puis la vallée de Chevreuse équipée de confortables pistes cyclables m’ont permis de tenir une allure de 29 km/h… jusqu’à la montée de Saint-Rémy-lès-Chevreuse qui a mis à mal cette moyenne horaire.
Comme prévu, une belle piste (déserte) m’a accueilli ensuite sur le plateau de Saclay jusqu’à un nœud routier nommé le « Christ de Saclay ». Mais là, aucun miracle ne s’est produit : les innombrables amorces de parcours cyclable aboutissent toutes après quelques décamètres à un chantier à l’abandon…
J’ai perdu vingt bonnes minutes avant de me résoudre à emprunter le réseau départemental jusqu’à Palaiseau, puis Massy, où je sais pouvoir retrouver la « coulée verte » dont on m’a vanté l’existence jusqu’à Paris.
Si, en effet, ce tracé permet de bénéficier d’un parcours sécurisé jusqu’à la porte de Châtillon, il faut néanmoins le partager avec les enfants, promeneurs, joggeurs et animaux de compagnie des différents quartiers traversés selon un tracé sinueux. De plus, à chaque intersection avec les voies urbaines, chicanes et bordures de trottoir sont au rendez-vous, les automobilistes restant prioritaires.
Le dernier tronçon a récompensé le cycliste urbain que je suis et m’a permis d’oublier le fessier endolori par les quatre-vingt-dix premiers kilomètres parcourus : les voies parisiennes réservées aux 2 roues permettent désormais de rallier les Buttes Chaumont en moins de trente minutes, sans même enfreindre le code de la route !
C’est finalement sans excéder la limite de quatre heures initialement fixée que j’atteins mon objectif, malgré un surcroît de quinze kilomètres sur ma feuille de route initiale !
Après une journée de marche et de métro, j’ai repris la route de Chartres via Houilles (78), lieu de ma dernière visite. Ce retour n’a pas été si simple, notamment dans sa première partie : la pauvreté de signalisation routière et la méconnaissance du secteur (mon tout petit goût du défi m’ont fait partir sans carte ni GPS) m’ont obligé à errer un peu avant de dépasser Saint-Germain en Laye. Puis, j’avoue avoir totalement sous-estimé le caractère vallonné des secteurs traversés. Des côtes interminables, des « cœur de bourg » entièrement pavés et impraticables pour un vélo de route, puis une crevaison (à laquelle je m’attendais statistiquement) ont rendu pénible le début du trajet.
La joie de rouler « à la fraîche » est venue enfin après avoir dépassé Plaisir (ça ne s’invente pas), et je recommande chaudement toute l’approche en routes forestières jusqu’à Épernon. Ensuite, malgré les jambes endolories, la tête a pris le relais en sentant l’odeur de l’écurie.
Ces 7h30 à vélo et 215 kilomètres parcourus dans le week-end m’ont inspiré quelques réflexions :
– Le développement généralisé des aides à la navigation GPS semble avoir découragé les collectivités locales d’entretenir une signalisation routière dense et fiable, et ôté toute compétence spatiale aux habitants interrogés qui ignorent tout de leur environnement géographique, hors de leurs trajets quotidiens.
– Les rares parcours fléchés pour les cyclistes sont des tracés conçus pour la promenade et vous garantissent de parcourir plus de kilomètres.
– Pour peu que les automobilistes respectent la distance de dépassement (1m50) des vélos, le réseau secondaire des Yvelines et d’Eure-et-Loir est adapté aux voyages non motorisés, tout comme la ville de Paris dont le réseau cyclable connaît pourtant des problèmes de saturation aux heures de pointe ! En revanche, dans un rayon de vingt-cinq kilomètres autour du périphérique, le no man’s land constitue encore une barrière dissuasive aux tendres cyclistes.
Au final, d’un point de vue pratique, chacun de mes trajets n’a pris, porte à porte, que deux fois plus de temps qu’un voyage empruntant les transports en commun. Cela m’a permis d’engranger en trois jours un peu plus que ma charge hebdomadaire d’entraînement sportif ! Nombreux étaient les employés et ouvriers qui, au siècle dernier, pédalaient ou marchaient une à deux heures par jour pour rejoindre leur lieu de travail. Qui aurait osé leur demander s’ils faisaient du sport ?
Jean-François Bridet