Je viens de lire Respect, un essai d’Agathe Cagé, aux éditions des Équateurs, dans lequel je relève en introduction : « Nous les jeunes, sans cesse renvoyés à une prétendue immaturité par des « boomers » qui n’ont rien su faire d’autre de leur âge d’or que de détruire à petit feu la planète. » Cette assertion se répand un peu partout, jusque chez EELV.

Non, cette accusation envers les « séniors » ne me convient pas du tout, d’abord parce que cette génération est celle qui a vécu « 1968 », dont l’essentiel était une critique de la société de consommation, ensuite parce que c’est de ces événements que se sont développés les associations de consommateurs et le mouvement écologiste. Pour notre part, c’est en 1971 que nous adhérons aux « Amis de la terre » et qui organisons la première manif-vélo le 22 avril 1972.

A l’époque, nous nous disions que pour accélérer la prise de conscience écologique, il fallait investir dans les médias. C’est ainsi que se créèrent « La gueule ouverte » à l’initiative de Pierre Fournier en 1972 et « Le sauvage » avec Alain Hervé en 1973. Charlie-Hebdo diffusait très régulièrement les idées écolos avec François Cavanna, Jean-Marc Reiser et Cabu. A la télé, Nicolas Hulot et Yann Arthus Bertrand mettent des images sur la dégradation de notre planète, tandis qu’en 1984 se crée le parti « Les Verts », qui deviendra plus tard EELV. Eva Joly, Dominique Voynet ou Yves Cochet en sont les figures les plus connues. Corinne Lepage, de son côté, préside « Cap 21 ». N’oublions pas non plus les films de Coline Serrault : « La Belle Verte » et « Solutions locales pour un désordre global ». En 2004, un mensuel dont le titre « La Décroissance » est créé par Vincent Cheynet et Bruno Clémentin . En 2007, Hervé Kempf qui participait activement aux rubriques « planète » dans le quotidien Le Monde, lance le quotidien de l’écologie sur internet : « Reporterre ». A Chartres, nous avons participé à la rédaction de « L’Aiguillon » puis de « Cactus », dont les idées commencent à porter leurs fruits…

Tous ces « boomers » font œuvre de lanceur d’alerte depuis des décennies, mais si leurs idées restent minoritaires, ce n’est sûrement pas de leur faute. En face, ils affrontent la toute puissance des multinationales, leurs lobbies et la publicité, la force de la droite réactionnaire, les syndicats motivés à la préservation des emplois, même s’ils sont destructeurs de l’environnement, les socialos convertis au libéralisme et les gens modestes, que l’on a persuadé que l’écologie, ça coûte plus cher. Il est heureux que les jeunes s’emparent des idées écologistes. Elles ont mis malheureusement beaucoup de temps à faire leur chemin. Mais on ne peut pas nier, par ailleurs, que parmi les acteurs de mai 68 et les premiers écolos (dont on se moquait alors en les qualifiant d’utopistes), il y eu de nombreux renégats.

Les boomers ont surtout eu le bonheur, comme l’écrivait David Lodge d’être « nés au bon moment ».

Denys (et Elisabeth) Calu