Séduire Cactus.fr en proposant un article qui ne flatte pas les valeurs qu’il défend contre vents et marées, à savoir l’écologie, les luttes et valeurs humanistes, la culture, la politique, dans son sens noble, est impossible. Et pourtant, il s’agit dans ce court article d’évoquer et d’encenser en toute partialité, un homme tout sauf local et bio : un artiste mondialisé. Ce que nous lui pardonnons volontiers : car Bruce Springsteen, symbole d’un produit commercial américain hyper médiatisé est aussi fondamentalement engagé contre le nucléaire («No Nukes»), contre le racisme, («41 shots»), contre la guerre en général («War», reprise rock de E. Starr), contre la guerre du Vietnam (peut-être le morceau le plus incompris de l’histoire de la musique, «Born in the USA»).
Springsteen, c’est aussi celui qui donne un concert mythique à Berlin en défiant les autorités est-allemandes, le 19 juillet 1988.
Intelligemment, lors de sa tournée mondiale de 2023, il compose avec les prémisses de la vieillesse (il est né en 1949). Encore vert, énergique, bondissant, survolté, capable de tenir en haleine une salle comble pendant trois heures au lieu des quatre lors de ses tournées précédentes, il s’appuie sur son groupe légendaire, The E-Street Band, dans une belle harmonie amicale et musicale. Et pour revisiter ses propres classiques, il fait de la place à des artistes qui l’obligent à la fois à se surpasser et à laisser s'exprimer la jeunesse, notamment une parfaite partition de cinq cuivres, des percussions, des choristes, tous bien entendus dévoués au culte springsteenien.
Car oui, on peut parler de légende à propos de Springsteen. Les deux concerts parisiens des 13 et 15 mai en sont la preuve s’il en fallait une. Si une polémique devait s’ouvrir, ce serait pour déterminer laquelle de ces deux dates était la plus réussie : selon moi, les deux étaient exceptionnelles. En toute objectivité.
Anne Loubeau