Ce gros pavé de 535 pages est une réédition augmentée d’un ouvrage paru en 1965. On pourrait penser qu’un essai datant de plus de 50 ans manquerait d’intérêt pour enrichir notre réflexion sur la question écologique actuelle. Il n’en est rien, car cet ouvrage est une véritable bible de l’écologie et reste, pour l’essentiel, toujours d’une étonnante actualité.

Cela commence par une longue énumération des animaux menacés d’extinction ou complètement disparus à la suite de la destruction de leur habitat ou de leur extermination par la chasse sur tous les continents. Ce sont, par exemple, l’auroch, le loup et l’ours en Europe, le grand pingouin de l’arctique, ou l’emblématique dodo complètement éradiqué de l’île Maurice. Jean Dorst constate que face à cette hécatombe, l’homme a très vite mis en place des réserves naturelles. Le premier parc naturel a été créé en 1872 au USA, le Yosemite. L’auteur, véritable spécialiste en ce domaine nous entraîne ensuite sur tous les continents pour nous présenter les parcs naturels, depuis la Vanoise en France, le parc Kruger en Afrique du Sud et bien d’autres dont il souligne l’intérêt, non seulement pour la nature, mais aussi pour l’économie touristique locale. De longs chapitres sont consacrés aux conséquences de la déforestation, des feux de brousse, du surpâturage et de la monoculture intensive.

Dès 1965, Jean Dorst condamnait ce type d’agriculture industrielle qui imposait la disparition des haies et bosquets ainsi que l’usage immodéré des engrais chimiques et des pesticides. On apprend par exemple qu’en 1954, pas moins de 20 000 ruches ont été entièrement détruites dans la région parisienne en raison de l’abus d’insecticide. De même pour l’exploitation des ressources de la mer, il met en garde contre la surpêche, les risques d’effondrement des espèces de poissons et les conséquences sur toute la filière. Un chapitre important nous alarme contre l’explosion démographique, car nous dit-il : l’homme comme toutes les espèces a besoin d’espace. Il prône, à une époque où le sujet était encore tabou, un contrôle des naissances, « seul moyen de maintenir l’humanité dans de justes limites ».

Un long développement passe en revue les conséquences de la production des déchets de la civilisation industrielle. Ce sont les multiples pollutions des eaux douces, des océans, de l’atmosphère, sans oublier la pollution radioactive. Au terme de ces constats, Jean Dorst déclare : « le problème le plus urgent que pose de nos jours la conservation de la nature est la protection de notre espèce contre elle-même. »

Jean Dorst est ornithologue et aussi un remarquable visionnaire de l’évolution de l’état de la planète. Tout ce qui est décrit dans cet ouvrage conserve sa pertinence et s’est même sérieusement aggravé.

La seconde partie de l’ouvrage : « Pour que nature vive », de Robert Barbault, a été ajouté en 2012 pour actualiser et compléter cette somme écologique. Ce sont principalement le dérèglement climatique et la réduction de la biodiversité qui sont apparus après 1965 tandis qu’un nouveau courant philosophique émergeait : l’éthique environnementale.

En fait, ces deux naturalistes érudits condamnent tous les excès de l’homme contre la nature : excès de déboisement, de la monoculture, de l’emploi de pesticides, de production de déchets, de la chasse et de la pêche ainsi que la surpopulation. Sans jamais condamner les agriculteurs, les pêcheurs, les touristes ou les chasseurs ils nous invitent à respecter un juste équilibre : « Il s’agit de réconcilier l’homme avec la nature. De le persuader de signer un nouveau pacte avec elle, car il en sera le premier bénéficiaire. »

Un ouvrage long mais passionnant !

Denys Calu

Jean Dorst et Robert Barbault, Avant que nature meure, pour que nature vive, éditions Delachaux et Niestlé, 2012.