Ce mot étrange qui veut dire "grenier" en Télougou (langue du sud de l’Inde) a été choisi pour son rythme et sa sonorité. Mais aussi en pensant que la langue des agriculteurs du néolithique, dans ce lieu qui sera plus tard l’Eure-et-Loir, n’avait aucun lien avec notre langue française et que, par conséquent, un mot mystérieux était nécessaire.

ATAKAPAÏ sous sept angles :

COMPA

Lors de la conception du projet, tenir compte de la finalité du conservatoire agricole et de l’histoire du site était nécessaire. Ce musée ne pouvait pas accueillir devant chez lui un objet qui ne s’intègre ni avec son action ni avec l’architecture du lieu. J’ai pris un soin tout particulier à garder cette idée en tête tout au long de l’élaboration et de l’édification d’Atakapaï. Mon travail résonne de la notion d’outil et de travail, ce lieu est un site de choix pour y créer.

LABEUR

Le travail (jusqu'à l’excès) fait partie intégrante de mon questionnement et se retrouve par là même dans ma création. On  ne peut qu’être subjugué par ces volontés féroces qui « s’abrutissaient » sous un labeur colossal de façon volontaire et contrainte. Les premiers agriculteurs du néolithique ont perdu de l’espérance de vie par rapport aux chasseurs cueilleurs, et ceci pendant des millénaires. Ils ont perduré dans leurs choix permettant bien des siècles plus tard l’éclosion de nos formes de sociétés.

RAISONNABLE

Les effets du réchauffement climatique, les problèmes écologiques qui surgissent de toutes parts, m’ont amené à réfléchir ce projet pour avoir un impact le plus léger possible. Je revendique ici une forme de création qui se fait avec ce que l’on a, pas avec ce que l’on peut avoir. Seul 18 morceaux de bois viennent du commerce, le reste provient du réemploi, bois, visserie, verre. Le bois a été brûlé grâce aux déchets de bois dû au démontage de  palettes, dans un braséro constitué de fer de récupération.

DÉRAISONNABLE

J’ai voulu engagé mon corps dans une frénésie et un labeur intense (la canicule m’y a aidé). Cet édifice est petit à l’échelle du collectif, mais très grand dans la perspective d’une construction seule et en 6 semaines et demie. J’ai tenu à augmenter le plus possible les dimensions d’ATAKAPAÏ pour qu’il puisse se tenir face à la rotonde du COMPA.

MAGIE ET MYTHE

La forme les couleurs, les lumières nocturne d’ATAKAPAÏ sont aussi conçues pour susciter aux visiteurs des retours de magie et de mythes ancestraux (ou enfantins). L’objet se veut une réminiscence de l’agriculture néolithique, un bâtiment agricole ancestral, noir comme la nuit des temps où l’on perçoit par endroit sous la cendre des braises incandescentes. Des griffures concentriques sur le verre rappellent les glyphes du cairn de Gravinis. Le monument emprunte aux différentes cultures et époques la volonté de protéger les précieuses récoltes à la fois des rongeurs et de l’humidité en juchant en hauteur les grains convoités. Le résultat est organique, on peut y déceler insectes et animaux légendaires.

PASSÉ ET FUTUR

Certaines de mes réalisations prennent souvent forme de façon ambiguë. Elles semblent issues d’un passé lointain fait de matériaux simples et intemporels, mais elles revêtent dans le même temps des oripeaux semblant émerger d’un futur, ou de la vision que nous pouvons avoir de lui. Une sorte de science-fiction préhistorique en quelque sorte.

NÉOLITHIQUE

Je ne suis ni historien, ni archéologue, il n’y a donc dans cet édifice aucune réalité historique. Il contient évidemment des réalités intemporelles : l’utilisation du bois brûlé pour protéger et durcir le bois, la mise à distance des rongeurs et de l’humidité pour les récoltes. Je citerais Boris Vian pour expliciter cette idée : « L'histoire est entièrement vraie puisque je l'ai imaginée d'un bout à l'autre. »

Didier Delpeux, juillet-août 2022.