Construire plus souvent, puis systématiquement avec du bois et des matériaux biosourcés, tel est l’un des principaux messages de Barbara Pompili, ministre de la Transition énergétique , et Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée du Logement, annoncé lors de leur conférence de presse du 24 novembre sur la future réglementation environnementale RE2020, la sous-titrant « Eco-construire pour le confort de tous ».
Je ne doute pas que ce message réjouisse bien des écologistes ou de simples citoyens soucieux de préserver notre planète du réchauffement climatique. Mais alors pourquoi titrer cet article Accord de Paris : hold-up à la française ? Je vais tenter de vous expliquer pourquoi cette annonce gouvernementale est peut-être l’arbre qui cache la forêt.
Durant leur croissance, les arbres captent le carbone de l’atmosphère, ce qui explique l’importance de la préservation des forêts primaires et de la gestion raisonnée des autres et sans doute aussi l’engouement de certains pour les constructions en bois. Mais les choses ne sont pas si simples, le bois après avoir été utilisé finira un jour ou l’autre par être brûlé, incinéré ou se biodégrader, restituant alors le carbone qu’il a capté. Il n’en demeure pas moins un matériau intéressant en termes d’émission carbone, car s’il n’absorbe pas de carbone, il n’en émet pas. Pas tout à fait aussi simple en fait, désolé, encore une précision : il faut pour construire les bâtiments, le couper, le transformer, construire et déconstruire, ce qui nécessite de l’énergie et donc provoque des émissions de carbone dans l’atmosphère. Quoiqu’il en soit, les maisons en bois conservent de réels atouts pour diminuer l’impact carbone même en comptant leur impact réel, sans rien oublier.
Le mode de calcul de l’impact carbone de la norme européenne (NF EN 13804, si vous voulez la lire…) ou celui testé dans le cadre de l’expérimentation E+C- , débutée 2016 afin de préparer la réglementation environnementale des bâtiments neufs, permettaient déjà de montrer l’intérêt des constructions bois et donc d’inciter à y recourir plus souvent, comme le souhaitent nos ministres pour expliquer les ambitions de la future réglementation RE2020, même si d’autres modes constructifs restaient intéressants.
Pourtant, en 2020 tout change ! Les impacts carbone sont revus à la baisse. Comment l’expliquer ? La physique et la chimie ont-elles changé en 2020 ? Non, non , rassurez-vous. Seul le mode de calcul a été modifié. Le gouvernement français a décidé d’adopter une nouvelle méthode : l’ACV dynamique simplifiée (pour Analyse du Cycle de Vie dynamique simplifiée). Son principe : « attribuer un poids plus fort au carbone qui est émis aujourd’hui qu’au carbone qui sera émis plus tard » pour « valoriser le stockage temporaire du carbone ». Un pari sur l’avenir en somme. Cette nouvelle approche, franco-française en total décalage avec les pratiques européennes, revient à transférer la responsabilité à nos petits-enfants de la bonne gestion des émissions des produits et matériaux des bâtiments construits aujourd’hui stockant temporairement le carbone.
Pour quels bénéfices ? Mieux positionner les solutions en bois ? Leur impact carbone connaît une baisse vertigineuse, c’est vrai (à titre d’exemple, un mètre cube de panneau de particule P4, soit 678 kg de bois, voit son impact carbone passer de + 83 kg de CO2 à – 326 kg de CO2), mais elles n’en avaient pas besoin pour bien se positionner, même si l’écart se creuse considérablement avec les autres modes constructifs (béton, brique, métal …). C’est l’arbre qui cache la forêt.
Cette nouvelle méthode, franco-française, permet de faire disparaître pour un bâtiment classique, usuellement construit, de l’ordre de 100 kg de CO2 par m² (sur une empreinte moyenne de l’ordre de 700/750 kg de CO2 par m² calculée selon la norme européenne), soit plus de 5 millions de tonnes de CO2 par an, sans même modifier donc la manière de construire. 5 millions de tonnes de CO2 par an à comparer aux 9,9 millions par an de tonnes de CO2, objectif que la France s’est engagée à atteindre dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas Carbone durant la période 2015-2030. La moitié du chemin est donc fait par ce simple changement de méthode de calcul.
Accord de Paris : hold-up à la française ? A vous de juger.
Léo Stirn