La salle des fêtes de Gasville-Oisème est comble ce lundi 6 juin 2022. Plus d'une centaine d'habitants de la commune mobilisés sur un sujet qui les obsède depuis plus d'une décennie, depuis qu'ils savent que la (dé)raison d'Etat a programmé de détruire leur cadre de vie. Il est prévu qu'une autoroute, perpendiculairement à celle qui existe déjà - l'A11 - saccage en diagonale le territoire de la commune, à quelques mètres de deux lotissements. Les gens sont calmes, concentrés. Ils sont venus écouter leurs élus municipaux, organisateurs de l'événement.

Il revient à Romain Rouault, le maire, d'introduire la soirée. L'édile explique que la situation est grave, mais que la cause n'est pas perdue au vu des informations qui vont être divulguées. Il annonce que Daniel Guéret, sénateur, et Karine Dorange, conseillère départementale du canton et candidate gorgienne à la députation, ont décliné l'invitation. Murmures désapprobateurs dans l'assistance. C'est à ce genre de détail qu'on mesure le courage en politique... Puis, Romain Rouault salue la présence de Quentin Guillemain, écologiste (Nupes), et prévient que Guillaume Kasbarian (macroniste) et Ladislas Vergne (Les Républicains) arriveront en retard... À la fin de l'exposé, les trois candidats à l'élection législative bénéficieront chacun de cinq minutes de temps de parole.

Grégoire Bailleux, l'adjoint en charge des questions environnementales, prend la parole. Pendant une quarantaine de minutes, en s'appuyant sur des documents officiels décortiqués avec un talent impressionnant, l'élu déroule un argumentaire implacable sur les erreurs commises par les services de l'État dans la construction du projet d'autoroute. Il apporte la preuve que ceux-ci ont utilisé des cartes fausses, obsolètes, qui ne mentionnaient pas la présence d'habitations, qu'ils ont ignoré longtemps la transformation du Plan d'occupation des sols (POS) en Plan local d'urbanisme (PLU) communal, qu'ils ont sous-estimé les risques d'inondation de la rivière Roguenette, que les pollutions acoustiques ont été minorées... Bref, l'expertise officielle préliminaire a été tout sauf professionnelle, au point qu'aujourd'hui lesdits services sont obligés de reconnaître eux-mêmes leur légèreté...

Dans la salle, les gens sont abasourdis. La colère gronde. Car c'est la base de cette chienlit administrative que la Déclaration d'utilité publique (DUP), de construction d'autoroute, a été accordée en 2018 par le gouvernement macroniste. C'est le moment d'entendre les candidats à la députation.

Ladislas Vergne se dit atterré (il répète plusieurs fois le mot) par les informations communiquées par Grégoire Bailleux. Il parle de faute administrative condamnable et inadmissible. Il fustige également la mauvaise gestion du dossier d'A154 effectuée par les responsables de "sa famille politique"... Les oreilles de Jean-Pierre Gorges ont dû siffler... Ce faisant, Vergne déclare que l'A154 se fera quand même. Il dit qu'il se battra, comme député, pour minorer au maximum les nuisances des riverains. Nouveaux grognements dans le public.

Guillaume Kasbarian est sur la même longueur d'onde. Hostile depuis l'origine à l'A154, il avoue avoir échoué à convaincre la majorité macroniste de renoncer au projet destructeur, mais que les électeurs peuvent compter sur son entregent pour arrondir les angles, renégocier des aménagements...

Il n'y a qu'un candidat qui affiche son opposition irréductible à l'A154. Quentin Guillemain, écologiste, affirme qu'il est encore temps de tout arrêter, qu'il ne faut surtout pas se décourager, que le combat mené par la commune est fondateur pour construire une autre société. Plusieurs personnes rebondissent et proposent qui de saisir le médiateur européen, qui de se souvenir de l'abandon du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, malgré une DUP. D'où l'importance des scrutins des 12 et 19 juin.

Gérard Leray