Si les plus belles histoires sont habitées par les plus beaux mensonges, il est clair que François Garde nous en donne un bon aperçu avec son dernier opus A beau mentir qui vient de loin. Ce n’est pas un roman, mais une petite série de nouvelles qui auraient pu toutes devenir des romans. Et c’est avec un certain délice que l’on pénètre dans chacune de ces histoires non dénuées de sens.

En s’appuyant sur ce proverbe, Francis Garde ouvre les portes du voyage à ceux qui s’arrangent avec certaines vérités. Ce qui ne veut pas dire, comme l’exprime l’auteur, que « tous ceux qui arrivent mentent, ni que tous ceux qui restent chez eux disent toujours la vérité ». Mais il est clair que celui qui vient d’ailleurs a peu de chance d’être contredit. François Garde prévient : « Les textes qui composent ce recueil s’intéressent aux mensonges et aux voyages, à leurs rencontres, à leurs confrontations ».

Treize nouvelles sont ainsi proposées aux lecteurs qui pourront s’embarquer vers de bien singulières aventures avec des personnages tout aussi singuliers. En prenant l’angle du mensonge, le romancier ne manque pas de créer au passage des énigmes aussi savoureuses les unes que les autres. La première d’entre elles ouvre d’ailleurs ce recueil avec Les caves de Castel-Ombreux.

Doté d’un humanisme certain, François Garde nous entraîne dans le sillage du fils d’un agriculteur photographié en plein effort par un reporter de guerre à la Libération. Cette photo parue le 20 octobre 1944 dans le Time Magazine fera le tour du monde et fera de Marcel une vedette malgré lui. Tout au long de sa vie, ce cliché le poursuivra et finira par l’achever. Autre texte sublime de François Garde : Théories du voyage. Quatre voyageurs expliquent avec brio leur théorie du principal adversaire du voyage. Avec Arles, La Rochelle, Charleville, Valence, Dijon, Orléans, Dunkerque, l’auteur nous offre un texte merveilleux. C’est l’histoire d’un comptable-vérificateur qui s’arrange lors de ses déplacements à trouver des hôtels bon marché à 59 francs pour se faire un petit bénéfice sur sa note de frais. Grâce à un stratagème bien huilé, il arrive à se faire inviter à dîner chez des inconnus pour passer en plus une bonne soirée et ainsi épargner quelques francs  avec des frais en moins.

Les considérations inexpertes sur l’art d’écrire, autre récit, est à mettre entre toutes les mains de ceux qui aspirent à devenir de grands écrivains. Véritable leçon d’humilité, il permet à François Garde, qui ne manque pas de talent, d’expliquer son parcours d’écrivain en ressuscitant le temps de ce livre ses romans refusés par les éditeurs et pourtant indispensables aux autres qui ont eu la chance d’être publiés. Et François Garde d’expliquer : « Par elle-même cette envie d’écriture n’a aucune valeur et ne porte aucune promesse. Elle ne s’accomplit que lorsque, grâce au travail de l’éditeur et du libraire, le roman existe et rencontre son lecteur. L’auteur non publié n’est pas un romancier. Il ne le deviendra qu’en parvenant au terme du processus ».

Pascal Hébert
(photo Francesca Mantovani)

A beau mentir qui vient de loin, de François Garde, éditions Gallimard, 166 pages, 16 euros.