Pour le seul profit d'un promoteur (soutenu par la municipalité gorgienne), des élagueurs sont venus en pleines vacances le 22 août 2022 au matin, tronçonneuse à la main, pour abattre trois magnifiques marronniers, dont un centenaire, qui trônaient dans un Espace Boisé Classé (donc protégé) situé à l'arrière du siège chartrain de la Chambre de métiers.

Fort heureusement, quelques dizaines de citoyens de tous horizons se sont opposés pacifiquement à cet absurde abattage qui avait comme unique objectif de permettre la construction d'un maximum de logements.

Ce matin-là, la tension fut très forte entre l'entreprise d'élagage et les opposants, d'autant que sept policiers étaient venus en renfort. Finalement et après quelques longs échanges avec le représentant du renseignement territorial, les autorités ont cédé et les marronniers ont pu être sauvegardés. Ce qui n'a pas empêché l'abattage de tous les autres arbres dès le lendemain !

Craignant un nouvel assaut, les amis des arbres, de plus en plus nombreux, se sont organisés pour occuper les lieux jour et nuit. Chaque jour, de nouvelles personnes sont venues voir les marronniers pour se rendre compte de la situation, peut-être informées par les journalistes de l'Echo Républicain, qui ont fait de cet événement le feuilleton de l'été, ou par les journaux télévisés de France 3. Ainsi, beaucoup de rencontres fructueuses ont pu se faire sous les marronniers, ce qui a créé des liens entre des individus qui ne se connaissaient pas.

Dans un premier temps, le 5 septembre suivant, le Tribunal Administratif d'Orléans a suspendu l'arrêté d'abattage (qui n'avait pas été affiché), suite au référé porté par des riverains, puis, après que le tribunal judiciaire de Chartres a rejeté par son ordonnance du 26 septembre l'assignation portée par le promoteur demandant l'expulsion des militants (étaient visées les associations Chartres écologie et Sykadap, alors que beaucoup d'autres personnes occupaient les lieux…), jugement assorti d'une astreinte de 500 000 euros par arbre élagué ou abattu, les opposants, rassurés, ont quitté le camp.

S'en est suivi une cascade de recours contre les deux permis de construire, 37 logements côté Courtille et 38 côté rue Victor Gilbert, qui ont été annulés. Mais le promoteur a modifié ses projets et a fini par obtenir de nouvelles autorisations, encore contestées aujourd'hui par les riverains, ce qui fait qu'aucune de ces deux « résidences » n'a encore vu le jour…

Quant aux trois marronniers, ils ont finalement été abattus sommairement et par surprise, tôt le matin du 15 février 2024, avec la bénédiction du maire de Chartres qui a délivré sans sourciller un arrêté de non opposition à l'abattage, non conforme au PLU. En effet, dans son dossier de demande le promoteur se justifiait en affirmant que les trois marronniers seraient remplacés par des arbres « équivalents » à savoir trois tilleuls de Henry. Or cette espèce de tilleul ne dépasse pas 15 mètres à terme en Europe. De plus et dans tous les cas, ce ne sont pas trois jeunes arbres qui peuvent remplacer trois majestueux marronniers. La perte est donc énorme et irréversible : quel gâchis !

Ces épisodes malheureux et désolants ont pourtant produit des effets positifs : des citoyens de tous âges et de tous horizons se sont rencontrés, ont échangé et ont pris conscience des véritables enjeux : préservation de la qualité des paysages, de la biodiversité et lutte contre le réchauffement climatique, sujets sur lesquels le maire de Chartres est en échec total. Ces nouveaux acteurs se structurent en collectifs pour défendre l'environnement, pour réfléchir et monter des actions pédagogiques. Enfin, une nouvelle Association de Défense de l'Environnement de l'Agglomération Chartraine - ADEAC-22 août - s'est constituée afin de permettre, entre autres actions, d'ester en justice contre tous projets destructeurs si aucun riverain ne porte recours.

Patrick Chenevrel, au nom de tous les acteurs qui ont participé à cet éveil exemplaire et qu'il faut remercier. Ce combat, symbolique pour certains, marque le début d'une nouvelle ère.