En ces temps, où tout semble se confondre, où les repères d’une période où l’on se parlait correctement s’effondrent, le Grand rafraîchissement de Benoît Duteurtre est une bénédiction.

Écrit entre présent et futur, ce roman met bien à plat ces périodes extraordinaires que l’on vit. Il y a le Covid, bien évidemment. Mais cette contamination ainsi que le réchauffement climatique n’expliquent sûrement pas l’actuelle attitude individuelle et collective des hommes dans la société. Une société qui remet tout en question avec une passion exacerbée. Et tout y passe avec plus ou moins de bonheur : de la colonisation, au rapport homme-femme en passant par les minorités ignorées et toutes les discriminations sans oublier les jugements médiatiques qui ont plus de valeur que la condamnation de la justice.

Dans son excellent roman, Benoît Duteurtre s’amuse à pousser le bouchon. Quoi que, parfois, on n’est pas loin de la vérité. Cette fantaisie littéraire commence par une bonne nouvelle. Nous en avons fini avec les canicules. La météo change et semble retrouver ses esprits pour aborder le grand rafraîchissement. La nature retrouve son enchantement entraînant un retour des saisons et des pluies. Ce qui n’est pas le cas des hommes toujours aussi dingues. Dans cette société de l’après réchauffement climatique, tout est dément.

Un matin, certaines personnes n’ayant pas grand-chose à se reprocher, sont arbitrairement interpellés. La « rafle du VIIe » est sidérante. Les policiers arrêtent des personnes d’un quartier chic de Paris en application de la LJE : la Loi pour une Justice Équitable. Une loi digne des pays totalitaires, dont le seul but est est de faire suivre à des citoyens des beaux quartiers la même procédure judiciaire que des habitants des quartiers dits sensibles. Histoire de montrer à tous les justiciables l’impartialité des autorités.

C’est cette aventure que va connaître entre autres Anne-Charlotte, issue d’une famille privilégiée. Reconnue coupable d’avoir acheté des couteaux et d’être en possession d’armes blanches, Anne-Charlotte écope d’un travail d’intérêt général à effectuer dans un quartier sensible. La présence d’une bourgeoise en dehors de sa zone de confort dans le septième arrondissement de Paris est parfaitement narrée par l’auteur. Protégée par Mouloud, policier et habitant ce quartier, Anne-Charlotte parvient à trouver ses marques et à se faire accepter par les revendeurs de drogue. L’histoire de Mouloud et d’Anne-Charlotte conclut ce livre qui nous fait penser qu’à une époque pas si lointaine, le bon sens et le respect de l’autre, c’était pas si mal que ça !

Pascal Hébert

Le grand rafraîchissement, de Benoît Duteurtre. Éditions Gallimard. 216 pages. 20 €.