Vendredi noir

De quand date l’importation de cette curée venue d’Amérique, le « Black Friday » ? Trois ans ? Cinq ans ? Je n’y avais jamais fait attention. Si j’ai bien compris, le peuple dispose d’une journée pour commander sur internet à prix cassés… Quoi ? Des marchandises de toute sorte. Rien de bon là-dedans ni pour le climat, ni pour la santé de la planète : plastique, cuivre , aluminium et tutti quanti, sans compter le CO2 du transport. Curieuse désignation, « black friday ». Traduite en français, elle évoque irrésistiblement le naufrage, la catastrophe, peut-être à cause du « jeudi noir », le 24 octobre 1929, début du krach boursier à New York. Cette année, on aurait pu faire l’impasse, par esprit de justice vis-à-vis des petites commerçants et artisans, obligés de fermer leurs portes pour cause de confinement.

Le rôle de l’État

Mais voilà que le Ministre des Finances de la France en personne s’agenouille devant les grands pourvoyeurs mondialisés : il les supplie de différer cette cérémonie consumériste. Le grand argentier, le cerveau supposé penser la sauvegarde de l’économie au coeur de la tempête, se prosterne pour préserver malgré tout la célébration de ce grand bazar parmi d’autres qui nous mènent à la ruine !! Encore une déclinaison du « en même temps » macronien : paroles commisérationnelles et précautions de façade pour les perdants locaux, ceux qui vont garder leur stock jusqu’à la faillite, et action effective pour préserver le commerce aveugle à grande échelle. Au mépris de toutes les assurances données concernant le monde de demain.

Lui dire son fait ?

Si j’écrivais à M. Le Maire, je lui dirais : « Votre prosternation publique devant Amazon et les autres n’augure rien de bon, car elle signe une fois de plus la soumission d’un État républicain à la loi violente d’un commerce que l’on pourrait qualifier de totalitaire. Vous auriez pu suggérer aux Français que, dans leurs bourgs et leurs villes, des artisans et commerçants vivent de la vente de choses dont vous pouvez parler avec eux, connaître l’origine. Leurs boutiques et leurs ateliers sont comme les racines des arbres qui tiennent les talus des rivières : ils créent le paysage de notre tissu social. En vous adressant aux mastodontes eux-mêmes au lieu de parler aux citoyens, vous confirmez le mépris que ce gouvernement a de ceux qu’il gouverne, les réduisant à de purs consommateurs. »

Et nous, ici ?

A Chartres, nous pouvons tous, conscients des enjeux vitaux, prendre l’initiative de nous rapprocher de tous ces magasins, certains ouverts, d’autres supposés fermés, mais dont la porte est entrebâillée. Avec un peu de chance, ils rouvriront prochainement : réservons-leur la primeur, empêchons le tsunami…

Chantal Vinet