Vagabondages, de Philippe Lipchitz
Dans un livre à paraître, je m’interroge, moi fils d’immigré, sur la possibilité d’exister « hors sol ». Quant à moi j’ai opté pour l’adoption : j’ai adopté cette terre de Beauce, peut-être plus qu’elle ne m’a adopté. Cette collection que j’ai créée avec la complicité amicale des éditions du Colombier est à feuilleter comme une profession de foi. Je n’irai tout de même pas jusqu’à la déclaration d’amour.
Pour le moment, quatre volumes et un cinquième prêt à la publication vagabondent dans ce département, s’attardant, comme on dit, à ses sites patrimoniaux. Mais ne nous trompons pas, il ne s’agit en aucun cas d’une variante de dépliant touristique : de ces feuilles vantant outrageusement les inoubliables atouts que possède leur terroir. J’emploie ce mot à dessein, car il n’est pas question non plus de littérature régionale.
Ne croyez pas non plus trouver dans ces pages œuvre d’érudit local, souvent avec son poids d’anecdotes frivolement décontextualisées. Mais alors direz-vous : mais alors qu’est-ce que c’est ?
Le nom même de la collection répond, je livre là le fruit de mes Vagabondages. Géographiques d’abord, je sillonne, et depuis les années de mon adolescence, les routes départementales, en quête de quelque curiosité qui pourrait stimuler mon imagination.
Le mot est lâché, ce sont avant tout des Vagabondages imaginaires. L’exploitation du moindre petit fait qui pourrait prêter à développement. Par exemple la nuit que Charles X, déjà en exil, passa au château de Maintenon. Voire un fait improbable, comme cette représentation du Mariage de Figaro dans un théâtre de verdure installé dans le parc de la Ferté Vidame. Je ne pouvais qu’être pour ainsi dire aimanté par cette Croisade des enfants et son chef tout autant charismatique qu’hypothétique Étienne de Cloyes.
Loin de me réfugier dans un lointain passé, mes pas vagabonds me conduisent parfois vers les hauts lieux d’une Histoire plus récente, que ce soit la tentative de portraiter ces jeunes gens qui firent le maquis de Plainville ou cette famille, reconnue depuis Juste parmi les nations qui sauva des enfants juifs parisiens les abritant le temps de la tempête dans leur maison de Montigny-le-Gannelon.
Une petite confidence pour conclure : le cinquième volume fera découvrir Senonches sous un jour bien insolite.
Philippe Lipchitz