Le procès d'un maire chasseur de femmes
Le 23 juin 2022 s'est tenue au tribunal correctionnel de Chartres l'audience publique concernant une accusation de harcèlement moral visant monsieur Rémi MARTIAL, maire de Lèves et conseiller départemental, à l'encontre de madame ***. Il l'a rencontrée à l'école Guéry de Chartres où leurs enfants sont scolarisés. Il ne cessera ensuite de rechercher sa compagnie par tous les moyens, bien que marié. La dame vit seule avec sa fille ; elle exerce une profession libérale et a ouvert un cabinet à Chartres.
Il est 16 heures lorsque s'ouvre l'audience, présidée par monsieur Bobet, encadré de Mme Martin et Mme Bellot, assesseurs. On peut noter la présence de huit jeunes femmes, assises derrière la partie civile.
Le président cite de nombreux messages téléphoniques tout en relatant les faits et les différents épisodes vécus entre avril 2019 et août 2020. Dans un premier temps, il y a eu des rencontres « amicales » au restaurant, « professionnelles » au golf, chez elle pour des séances de jardinage. Malgré les refus réitérés de madame *** d'établir une relation « amoureuse », monsieur MARTIAL a persisté pour atteindre son but : nombreux appels et messages, envoi de fleurs, apport de croissants, promesse de quitter sa femme… Le président s'appuie sur les messages clairs de madame ***, comme « Je ne vous aime pas » pour démontrer qu'il n'y a pas d'ambiguïté dans ses sentiments vis-à-vis de lui. Rien n'y fait, le harcèlement est caractérisé. Le président fait ensuite part de l'emprise que Rémi MARTIAL a sur elle, des cauchemars, des troubles anxieux et du stress post-traumatique qu'a subis Mme ***. Il qualifie Rémi MARTIAL de « manipulateur ».
A la barre, madame *** décrit ce qu'elle a vécu, donne des explications et répond clairement aux questions du président et des avocats. Elle regrette que la qualification d'agression sexuelle n'ait pas été retenue. Elle espérait qu'il allait se lasser. Si elle a accepté l'aide au jardinage, c'est qu'elle n'avait pas le temps de s'en occuper…
A la barre, monsieur MARTIAL se justifie. Il évoque l'incompréhension et les ambiguïtés. Il n'a aucun remords.
Le procureur de la République dit : « On ne juge pas Mme *** … Elle a souffert et souffre encore… Il y a harcèlement moral, c'est de la malveillance… ». Il requiert 6 mois de prison avec sursis et obligation de soins.
Pour couronner le tout, maître Rivierre, l'avocat de la défense, déclare à 20h45 : « Avec cette peine, Rémi Martial sera marqué à vie pour des faits qu'il n'a pas commis… Il a eu un coup de foudre pour Madame ***… Elle a soufflé le chaud et le froid… C'est un jeu de séduction… »
Vers 21h15, la séance s'achève et le président annonce « Délibéré le 27 juillet ».
Voici maintenant un autre regard, celui d'une femme présente à l'audience.
Le ton est donné. Lorsque le président lui pose la question : « Quand une femme dit NON ! C’est NON. C’est clair ? »
Rémi MARTIAL répond : « Oui et non. », et d’ajouter : «Il peut y avoir double lecture de ce type d’échanges. »
Dans les 5 500 messages envoyés en l’espace d’un an et demi, il ne cesse de répéter que c’était « un jeu de séduction ». Des échanges initiés à 90% par lui-même, d’après le procureur. Il est vrai que la séduction semble ne plus avoir de secrets pour lui, avec une centaine de relations comptabilisées, et en moyenne deux relations extra-conjugales par an, d’après ses dires.
Pour cette jeune femme, qui a tout quitté pour s’installer en Eure-et-Loir, les propos et l’attitude de Rémi MARTIAL sont décelés comme « des comportements de manipulateur ». Elle le décrit comme « prédateur », « manipulateur », « séducteur », « quelqu’un doté d’un sentiment de toute-puissance », « avec un égo énorme ». Elle qualifie les échanges de « rapport de force ». « J’ai eu peur dès le début », dit-elle. Peur pour elle, peur qu’il ne lui fasse une mauvaise réputation professionnelle. Elle est pourtant très claire dès le début : « je ne veux pas de relation personnelle. », « je ne suis pas intéressée et je ne le serai jamais. », et insiste jusqu’à lui dire : « je ne suis pas amoureuse de vous. », « respectez enfin mes limites. ». En octobre 2019, elle dépose une main courante au commissariat, et les policiers vont même appeler l'indélicat pour lui demander d'arrêter. En vain.
Mais comment trancher entre un homme convaincu que ce n’était qu’un simple « jeu de séduction » et une femme, fragile, sans attache à Chartres, qui se sent harcelée ?
Le harcèlement moral, d’après le droit pénal, se définit par des propos ou comportements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de vie altérant la santé de la victime.
Comportements répétés ? 3 400 messages de la part de Rémi MARTIAL. La jeune femme finit par bloquer son numéro et pourtant : il appelle en numéro masqué, il se déplace à son domicile en plein confinement, il rôde autour de la maison et près de l’école de sa fille, il prend rendez-vous sur doctolib pour la voir sur son lieu de travail le jour de son anniversaire…
Dégradation des conditions de vie altérant la santé ? La jeune femme a eu de nombreux vertiges, des troubles de la vision, les médecins ont révélé « des angoisses, de l’anxiété, un épuisement psychologique, des cauchemars, la crainte d’éventuelles représailles, une défiance à l’égard de la gent masculine ». En état de stress post-traumatique, elle a été arrêtée 7 jours. Elle précise à la Cour, suite à ces troubles physiques : « J’ai dû apprendre à ma fille de 5 ans à se servir d’un téléphone fixe au cas où je ne me réveillerais pas ».
Pour Rémi MARTIAL, ce moment de vie est… « une incompréhension » ! D’après la jeune femme, il lui aurait dit : « tu as beaucoup de chance de déjeuner avec moi », « c’est impossible de résister à mon charme ! ». Espérons que l'obligation de soins qui a été requise...
Deux envoyés spéciaux de Cactus