J'ai assisté la semaine dernière aux voeux de Guillaume Kasbarian. Ça m'a permis d'avoir un aperçu de ce qu'il y a dans sa tête : c'est avec un peu d'effroi, mais finalement pas si surpris que ça, que j'y ai trouvé Margaret Thatcher et son mantra : "There Is No Alternative".
La cérémonie (si l'on peut dire) a commencé avec la remise des médailles de l'Assemblée nationale à des femmes et des hommes méritant.es. Point d'orgue de cette séquence, fidèle à la doctrine "en même temps" de son maître, alors que le gouvernement mutiplie les OQTF, dégrade les conditions d'accueuil des jeunes migrants et, par voie de conséquence, leur possible intégration, on vante sans rougir le courage du jeune Abdoul Malick Coulibaly qui a traversé une partie de l'Afrique et la Méditerranée dans des conditions effroyables pour ensuite, en France, redoubler d'efforts et obtenir la médaille d’or 2022 au concours du meilleur apprenti dans la catégorie peintre applicateur de revêtement. Allez, en cherchant bien on trouve là une alternative : tu te noies en Méditerrannée ou tu t'intègres.
On passe ensuite au discours, en cinq thèmes, déclinant ce qu'il y a sous la casquette de Guillaume Kasbarian :
- Pour l'énergie : hors le nucléaire, il n'y a pas d'alternative : d'après RTE, la demande en électricité va croître de +40% d'ici 2050 (pour remplacer les énergies fossiles et pouvoir rouler en SUV électrique). D'après Kasbarian, pour satisfaire "les besoins", une seule solution : le nucléaire. Il omet de préciser que le rapport de RTE, lui, propose 6 scénarios pour atteindre une énergie décarbonée en 2050, dont deux sans nucléaire...
Par ailleurs, RTE souligne que "l’adoption de la sobriété énergétique permettrait de réduire de façon plus importante encore, la consommation d’énergie", mais que cela constituerait un projet de société en tant que tel, hypothèse qui nécessiterait d'adopter les préconisations de la convention citoyenne pour le climat (on se passe donc des SUV électriques...). Mais j'imagine que là encore, il n'y a pas d'alternative : il n'y a pas d'autre société possible que celle de la consommation à outrance et l'épuisement de toutes les ressources. - Industrie : il n'y a pas d'alternative, il faut baisser les coûts (le travail, les charges) pour être compétitif et relocaliser des industries dont on a favorisé voire forcé le départ à coup de traités de libre échange (en même temps).
- Santé : il n'y a plus de médecins, il va falloir supprimer la liberté d'installation, il n'y a pas d'alternative. C'est d'autant plus facile que le numerus clausus, c'est pas la majorité actuelle qui l'a créé, non mais ! Qui aurait pu prédire, malgré cinq ans au pouvoir, alors que tous les prémices d'une catastrophe étaient là, qui aurait pu prédire, le désert médical actuel ? Même Kasbarian n'a plus de médecin traitant : ben, là, il va falloir agir...
- Agriculture : il n'y a pas d'alternative : on a besoin des néonicotinoïdes pour que Novo Nordisk puisse continuer de vendre de l'insuline (oui, c'est un raccourci), tant pis pour les abeilles.
- Réforme des retraites : il n'y a pas d'alternative. Allez, je le reconnais, je simplifie : il y a des options mais idéologiquement il se refuse d'envisager une augmentation des prélèvements pour les salarié.es (il manquerait plus que ça !). Augmenter les cotisations d'autres catégories : c'est à ce point impensable qu'il n'y pense même pas...
Vous l'aurez compris, ce fut une pénible expérience de me cogner pendant une heure tout un succédané de credo néo-libéral. C'était long pour quelque chose qui peut se résumer à : "On continue comme on l'a fait depuis trente ans, peut être que cette fois ça marchera..."
PS : merci au titre de l'article de l'Écho républicain qui m'a soufflé l'angle d'attaque pour cette chronique.
E.W.