Transparence, de Marc Dugain
Alors que Marc Dugain nous réservait des livres plutôt axés sur le passé, le romancier se transporte dans un futur relativement proche. Les années 2060. Si proches… et si lointaines. Si le monde n’a jamais été autant troublé par un avenir qui ne dépend plus de l’homme, que peut-on envisager dans la seconde partie de ce siècle de tous les dangers pour l’humanité ? Marc Dugain pose un pied sur ce futur qu’il imagine avec une femme qui a décidé de sauver les hommes. En 2060, plusieurs phénomènes sont dominants : la surpopulation, le réchauffement climatique et la domination du numérique. Le monde court tranquillement à sa perte sans que personne ne réagisse.
Ce n’est pas le cas de l’héroïne de Marc Dugain, qui a trouvé le secret de la vie éternelle. Mais dans un monde surpeuplé, seuls ceux qui répondront aux algorithmes du logiciel Endless pourront accéder à la vie sans fin. Après avoir prouvé, en montrant au monde son immortalité, la PDG de Transparence prend le contrôle de Google pour appliquer aux hommes sa théorie d’un futur où l’homme continuera de régner dans son immortalité mais sans le besoin de consommer et donc de vider les ressources naturelles de la planète. Elle offre deux choix. Ceux qui se connecteront en permanence en laissant toutes leurs données et qui répondront aux critères de la vie immortelle en société selon les algorithmes d’Endless seront choisis. Quant aux autres, ils seront les derniers des Mohicans d’un monde sans issue.
Cette histoire, qui repose sur un constat légitime à ce stade de l’évolution de l’Homme dans la société dite de consommation, est troublante, dérangeante. Tout en avançant dans cette narration puisque c’est la présidente de Transparence qui prend la parole, on peut se demander comment on peut en arriver là ! Comment l’homme s’est-il éloigné de lui-même en ouvrant ses bras à toutes les religions de tout poil et en s’aplatissant devant le veau d’or ? Car c’est bien la question de notre condition d’homme de ce début de siècle que pose Marc Dugain en nous plongeant dans le futur : « On a longtemps vécu sans connaissance ni preuve que notre planète avait déjà connu plusieurs extinctions. Le plus surprenant est de constater que de l’avoir appris n’a rien changé à notre marche vers la ruine. L’homme, pourtant si bavard, ne tire-t-il jamais aucune leçon de rien ? »
Et c’est bien là le problème de l’humanité qui fait un pas en avant pour en refaire deux en arrière. Une autre question interpelle : le numérique dans tous ses états. Quelle sera notre libre arbitre lorsque la société sera gouvernée par des algorithmes qui nous diront pour qui voter, nous dicteront ce que nous devons manger et les êtres à aimer. Mais restons optimistes et écoutons Claude Nougaro déclamer : « Il serait temps que l’homme s’aime, Depuis qu’il sème son malheur, Il serait temps que l’homme s’aime, Il serait temps, il serait l’heure, Il serait temps que l’homme meure, Avec un matin dans le cœur, Il serait temps que l’homme pleure, Le diamant des jours meilleurs. »
Pascal Hébert
Transparence, de Marc Dugain aux éditions Gallimard, 223 pages, 19 €.