Sur le programme économique du NPF

Tous ceux qui sont sensibles aux effets de l’ultralibéralisme sur la démocratie et sur le vivant ont leurs vigies : des penseurs ou acteurs de la vie associative, humanitaire, politique de référence, ceux et celles que l’on choisirait pour un gouvernement idéal. Ce sont les mêmes sur lesquels les détenteurs du pouvoir jettent le soupçon ou l’anathème - la macronie, la gorgie font cela très bien. Et l’on trouve parfois des documents lumineux mis à disposition par ces contributeurs savants et désintéressés, protecteurs de la chose publique et des communs - en attendant que les autres se discréditent définitivement, sans faire trop de dégâts, on l’espère.

Ce que l’on veut faire partager ici est  un exposé d’une demi-heure qui, entre les deux tours des législatives, défend le programme économique du Nouveau Front Populaire, qu’il était à la mode de décrier comme infaisable, fauteur de déroute financière. Celui qui parle, Gaël Giraud, est spécialiste de finance ; il s’est retiré de la grande machine internationale pour se tourner vers l’action en faveur de la préservation des ressources, de la biodiversité, de la démocratie et de l’avenir, principalement en animant l’Institut Rousseau, réservoir d’idées orienté vers ces objectifs.

Dans cette vidéo, il développe le bien-fondé d’un programme forgé dans l’urgence, mais fondé sur des analyses antérieures de professionnels du service public, de chercheurs, notant au passage qu’aucun parti du grand bloc libéral ne fournit, de son côté, une telle feuille de route. Il souligne seulement l’incurie de la gestion actuelle, qui élèvera d’ici cinq ans à 120 % du PIB la dette de la France. Risque éminent d’éclatement d’une gigantesque bulle financière. Et ce sont les responsables de cette situation qui nous expliquent que l’accès du NFP au pouvoir entraînerait la sanction des marchés financiers. Aucun indice, au contraire.

Suit la présentation des trois axes de cette politique économique, reposant sur 1) l’emploi, 2) la réforme de la fiscalité, 3) l’augmentation du revenu minimum.

L’emploi serait dopé par un scénario complet de la décarbonation de l’économie, auquel seraient joints la semaine des 32 heures et le retour à la retraite à 62 ans. La réduction du chômage et l’accès à un autre style de vie seraient favorables à une détente macro-économique. Giraud revient sur l’effet des 35 heures, qui fut bénéfique malgré des ratés dommageables, à éviter à l’avenir. L’urgente transition énergétique, toujours attendue, est un vivier d’emplois techniques spécialisés. Et en cinq ans, 490 000 emplois publics pourraient être créés afin de pourvoir aux besoins des hôpitaux exsangues et de l’enseignement public.

Dans le domaine de la fiscalité, aucun matraquage en vue avec les quatorze tranches proposées. Toutefois, est suggérée une simplification : l’impôt progressif, dit ABC, A consistant en un taux maximal effectif de l’ensemble du revenu de 50 %, conforme à la jurisprudence du Conseil Constitutionnel. B : revenu minimum imposable à partir de 1 400 euros. C : progressivité de l’impôt, afin que les revenus inférieurs à 4 000 euros mensuels ne soient pas plus imposés qu’aujourd’hui. On aboutit quand même à une recette de 15 milliards d’euros, qui permet de se donner une marge de manœuvre.

D’autres pistes budgétaires : un fonds de financement de la rénovation des bâtiments, abondé par les entreprises du BTP, émettant de la dette garantie par l’État. Soutien de l’État aux TPE/PME dans l’augmentation du smic (10 milliards de dépenses publiques).

L’économiste keynésien décrit l’effet multiplicateur de ces réformes : baisse du chômage (de 8 à 4%), de l’indice des inégalités de revenus (-3 points), des déficits publics (4%), inflation sous contrôle (2%). Augmentation du PIB : 3 %. Seule la balance commerciale serait sous surveillance – tous les indices ne peuvent passer au vert simultanément.

Un peu de technicité dans ce tableau, un peu difficile à maîtriser d’emblée pour les non initiés, dont je suis. Néanmoins, ce que j’admire ici, c’est le pari, précisément, de mettre ces arcanes économiques à la portée de tout auditeur attentif. Tant de ces spécialistes sont obscurs, impossibles à lire ou à écouter, ce qui maintient l’économie comme discipline dans une chapelle réservée. Pas touche. Cette volonté pédagogique est éminemment citoyenne, républicaine, politique, loin de cette lâche entreprise qui consiste à faire peur avec des chiffres abyssaux répandus ces jours-ci par le ministre des Finances démissionnaire, qui brandit une apocalypse tout en rejetant la faute sur les autres. L’autonomie de la pensée commence par cette initiation : Giraud œuvre bénévolement à briser les idoles ultralibérales.

https://www.revue-projet.com/videos/2024-07-giraud-analyse-economique-des-programmes/11319

Chantal Vinet