Si petite, de Frédéric Boyer
Dans son dernier ouvrage Si petite, Frédéric Boyer nous entraîne dans la Sarthe profonde à la rencontre d’une enfant victime de la cruauté de ses parents. Marqué par ce fait divers datant de 2009, le romancier s’est attaché à comprendre des femmes et des hommes se livrant à des actes de tortures morales et physiques sur une fillette innocente. S’inventant un monde normal, elle arrive à donner le change en tentant de faire croire aux assistantes sociales et gendarmes qu’elle vit comme toutes les petites filles de son âge. Dans un contexte particulier où la vérité est difficile à percer, Frédéric Boyer révèle la mission complexe des acteurs de la protection de l’enfance. Dans ce livre, l’auteur tente également de comprendre pourquoi cette affaire lui tient tant à cœur.
Enfant non désirée d’une femme qui a voulu accoucher sous X, la petite est née en 2001. Pour une raison qu’elle seule peut connaître, la mère se ravise et décide de l’accueillir dans son foyer recomposé avec quatre enfants. Déménageant plus que de raison, la famille poursuit son itinéraire dans un périmètre restreint au rythme des loyers impayés. Le comportement troublant de la fillette n’a pas laissé insensible une enseignante. Après un signalement, la petite est examinée et interrogée. Elle a réponse à tout, notamment sur les dix-neuf cicatrices relevées par le médecin : « C’est parce que je tombe tout le temps dehors. Je me cogne dans tous les murs. » Une réponse qui fait dire à Frédéric Boyer : « C’est une forme étrange de mensonge infaillible par lequel la plus innocente créature accuse les murs à l’extérieur comme pour cacher l’abîme de l’intérieur et l’absence de toute protection. Pour dissimuler l’absence du moindre rempart et du moindre mur à l’intérieur ».
Déclarée disparue par ses parents au cœur de l’été 2009, la petite est retrouvée morte au bout de souffrances atroces. Comment expliquer que cette fillette soit devenue le souffre douleur d’un père et d’une mère embarqués dans une spirale infernale de violence aboutissant à un infanticide ? Tout comme Frédéric Boyer, ce livre nous interpelle sur notre rapport au mal et ce que cela dit de nous : « Quand l’étonnement d’être maltraité ne trouve aucune réponse on se sent mystérieusement fait pour les mauvais traitements. Ce n’est ni un pardon ni une forme d’insensibilité au mal, mais une forme d’innocence qui s’attache à opposer à son bourreau la vérité que celui-ci vient de détruire. » Et Frédéric Boyer d’ajouter : « On se sent toujours coupable lorsque nos chers parents ne nous ont pas transmis dans notre enfance la certitude non seulement d’être aimés mais aussi de notre bon droit à l’être. »
Pascal Hébert
Si petite, de Frédéric Boyer, éditions Gallimard, 121 pages, 14 euros.
Photo : Francesca Mantovani