Sécheresse et canicule : quelle cuisson, votre arbre ?

L’indiscutable crise climatique

29 juin 2023, le décor est planté : le week-end dernier fut caniculaire, les températures ont dépassé les 34°C, les données climatiques de la station de météo France de Champhol font déjà du mois de juin le plus chaud depuis 81 ans de mesures. Les moissons d’orge ont commencé dès le lundi 26 juin sur le plateau à Chartres, au-dessus de Rechèvres.

Avant même que l’été n’arrive, Mme le Préfet avait déjà signé son deuxième arrêté de restriction de l’usage de l’eau (le 8 juin, puis le 15 juin), faisant de Chartres une ville en état de « crise », soit le niveau le plus grave de l’état de notre ressource en eau… Un troisième arrêté préfectoral* a été signé le 29 juin : la moitié de l’Eure-et-Loir est en état de « crise » liée à la sécheresse.

"Rappelons-nous que l’été dernier, à cause de la sécheresse, on s’est retrouvé avec seulement deux captages pour alimenter 90 000 habitants de l’agglo, alors qu’on en a 29 normalement", se souvient M. Bellamy, président de Chartres Métropole eau, cité dans francetv.info. "On n’est pas passé loin d’avoir un gros pépin". Ce scénario pourrait s’aggraver cette année.

Quiconque remettrait encore en cause les effets du changement climatique et ses causes serait pris pour un fou !

En pleine période de crise sécheresse : on plante des arbres sur dalle béton à Chartres...

Des arbres viennent d’être plantés sur la dalle en béton du pôle gare ! Plantés et arrosés, alors même que c’est interdit ! Avec un minimum de bon sens, on sait qu’il faut planter des arbres à la fin de l’automne, quand les sols sont humides et frais, pour laisser toutes sa chance au système racinaire de s’implanter. Comme le dit l’adage, "À la Sainte-Catherine (25 novembre), tout bois prend racine"…

Eh bien, pas à Chartres. Sur la dalle à l’arrière du pôle gare où des milliers de mètres cubes de béton ont été coulés, et qu’un revêtement de bitume va finir par recouvrir, figurez-vous qu’en plein été, on plante des arbres, sous perfusion d’eau potable !

Serait-ce l’obligation d’en trouver 1 000 pour respecter la commande, qui pousse à planter partout, n’importe quand, n’importe comment ?

François Roumet, paysagiste, professeur à l'École supérieure de paysage de Versailles, nous livre son expertise :
"Ce n’est évidemment pas la bonne période pour planter un arbre, même en motte ou en conteneur. Même la Sainte-Catherine est maintenant de plus en plus souvent trop tôt pour planter, il vaudrait mieux invoquer la Sainte-Lucie (début décembre) : les pépinières n’arrivent pas à arracher les arbres encore en feuilles.

Les arbres de la gare vont souffrir avant de mourir, ils viennent d’une pépinière où ils étaient choyés, pour se retrouver en plein vent, en plein cagnard et l’arrosage ne sera qu’un supplétif insuffisant. Ils vont se retrouver avec de la lumière qui vient de partout, du sol en particulier (la grave calcaire est blanche), leurs feuilles et leur tronc sont habitués à recevoir la lumière d’en haut. Il faut se souvenir des arbres face au cinéma qui mouraient régulièrement à cause du sol sec et de la lumière réfléchie par les façades plein sud avant que certains prennent pied en 2021, quand il pleuvait plus souvent. Ou encore les merisiers qui ont été plantés il y a quelques années avenue Joseph-Pichard (la Madeleine, le long d’espaces encore verts), tous ont des brûlures profondes orientés au sud-ouest.

Pour revenir à la gare, l’apport de terre au pied des arbres doit provenir des champs cultivés, on y voit de l’orge, du vulpin, de l'ivraie et ces coquelicots qui repoussent, ce n’est pas une terre de sous-bois, il n’y a pas les micro-organismes pour les aider à vivre, bref, l'espérance de vie est réduite.

Je ne parle même pas d’un arrêt de l’arrosage, d’un mauvais réglage ou d’une panne d'eau. La grave calcaire va se comporter comme une mèche ; elle est très sèche et va attirer à elle une grande partie de l’eau : il va falloir ouvrir à fond le robinet...

En plus, les arbres sont bien trop grands, trop vieux pour s’adapter. Leur mort peut prendre un certain temps, cela dépend des années d’arrosage, mais elle est programmée. Regardez les tilleuls de la place des Epars qui sont au-dessus de la dalle du parking souterrain. Comparez-les avec les robiniers un peu à côté rue Maunoury qui ne sont pas sur dalle. Et, en plus, ces tilleuls ne sont pas en plein vent, comme au-dessus du parking derrière la gare.

En conclusion, il ne reste rien de bon dans la méthode employée à cet endroit. Ce ne sont déjà plus des arbres, mais de la communication immédiate pour faire comme si c’était possible.

Dans les "1000 arbres" de la communication de la majorité chartraine : même en pleine terre, certains ont bien du mal et pourtant, ils sont généralement jeunes, paillés ; ceux que je vois régulièrement (à côté de l’ancien station d’épuration, rue Hubert-Latham ou aux Trois-Ponts) ont parfois du mal, même si les conditions sont infiniment meilleures qu’à la gare, comme partout en France, la réalité du climat nous rattrape vite."

Ici, à Chartres, la majorité crée des îlots de chaleur

Sous l'espace à l’arrière de la gare où une dalle de béton de plus a été érigée, coulait auparavant une rivière. Plusieurs villes travaillent activement aujourd’hui pour faire réapparaitre les rivières, les désartificialiser, les renaturer, à l’image de la Bièvre à l’approche de Paris. Sont ainsi recréés des "îlots de fraîcheur". D’autres travaillent à repérer tous les arbres dit patrimoniaux, publics et privés, solidement enracinés, et les protègent dans leur document d’urbanisme pour interdire une coupe rase.

Ce ne fut pas le choix de la majorité à Chartres où la communication s’est centrée sur un "jardin sur le toit" ou les 1 000 arbres. Il en est de même pour toutes les opérations immobilières qui stérilisent des sols vivants où menacent des arbres à l’image des marronniers de la Courtille pour la création des parkings souterrains tout en béton.

Planter sur dalle béton ou sur toiture impose un arrosage constant au moment où la ressource se raréfie. Dans un contexte de crise climatique, entre canicule et arrêté préfectoral de sécheresse interdisant l’arrosage, maintenir un semblant de vie sur des sols artificialisées devient mission impossible.

Quant au choix de la période de plantation en plein été, c’est un non-sens total ! La com’ c’est bien, agir avec bon sens et de manière raisonné, c’est mieux.

Olivier Maupu, urbaniste, conseiller municipal de Chartres

*arrêté préfectoral relatif à la sècheresse :
https://www.eure-et-loir.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Environnement/Gestion-de-l-eau-et-actualite-secheresse/Arrete-prefectoraux-relatifs-a-la-secheresse

Arrêté instaurant des mesures de restriction de l’eau dans le département d’Eure-et-Loir du 29 juin 2023.
Classé en état de « crise », la quasi-totalité des communes de Chartres Métropole, dont Chartres, sont touchées par des restrictions : pour les agriculteurs l’irrigation des cultures par aspersion est interdite, pour les collectivités : l’arrosage des pelouses et massifs fleuris est interdit, l’arrosage des espaces verts est interdit. […] Sanctions pénales : conformément à l’article R.216-9 du code de l’environnement, le fait de contrevenir aux mesures de limitation ou suspension provisoire des usages de l’eau prescrites par les arrêtés mentionnés aux articles R211-66 à 69 du même code est puni d’amende prévue pour les contraventions de 5èmeclasse.