Résistance 2050, d'Amanda Sthers et Aurélie Jean
Amanda Sthers, romancière et Aurélie Jean, scientifique, spécialisée en sciences numériques, nous invitent à un voyage dans un avenir pas si lointain. Là où l’on serait en droit d’attendre que tout va mieux et que l’humanité aurait résolu bon nombre des problèmes rencontrés en ce début de second millénaire comme les maladies, pandémies, guerres, climats et autres fléaux.
Avec Résistance 2050, les deux écrivaines sont loin, très loin de nous projeter vers un futur idéal. Lancé comme une alerte, ce roman examine à la loupe une avancée technologique entrant dans le domaine du possible. Et si un jour on résolvait nombre de maladies grâce à l’implantation d’une puce cérébrale. Et si, grâce à cette puce électronique, on pouvait accroître notre potentiel intellectuel, apprendre sans aller à l’école, partir en vacances sans quitter sa maison et faire du sport en ressentant les bienfaits sans mettre un doigt de pied dans une salle de gym. Bref, et si un jour une puce contrôlait nos émotions et notre vie pour notre bien avec en corollaire, malgré tout, le risque que la machine échappe à ses créateurs et qu’elle puisse être piratée ou utilisée à des fins politiques par un état autoritaire.
L’invention de cette puce miraculeuse, on la doit à Chloé et à Ash, deux scientifiques qui révolutionnent un monde coupé en deux. Il y a ceux qui acceptent de suivre les consignes du gouvernement en se laissant implanter cette fameuse puce et puis il y a les résistants, représentés par Oona, que l’on retrouve en Bretagne et dans le secteur de Marseille. Dans cette France connectée, la vie semble plus attrayante, la société évolue et s’organise pour éviter le plus de contraintes. C’est le progrès ! Dans les zones libres, la vie est moins facile mais les résistants sont déterminés dans leur choix. Amanda Sthers et Aurélie Jean décrivent tout ce qui anime les personnages principaux des deux camps avec leurs ambitions, soif de pouvoir, luttes et interrogations.
Malgré la puce, l’humanité reste l’humanité avec ce qu’elle peut offrir de meilleur et de pire. Le meilleur dans Résistance 2050 arrive lorsque les hommes doivent lutter ensemble contre un envahisseur venu de l’espace et le pire lorsque la guerre se rappelle au bon souvenir des connectés et non connectés.
A l’heure où la médecine fait des pas de géants tout comme les sciences, ce livre permet de nous interroger sur l’évolution de l’humanité. Il est évident que la technologie est à notre service et pas l’inverse et que la curiosité et le désir d’apprendre, de créer ne doivent jamais être gommés. Ce roman nous montre aussi les limites de cette course sans frein pour améliorer notre bien-être. Une course qui se heurte maintenant aux défis de la surpopulation, du réchauffement climatique et de la diminution des ressources.
Quand les hommes auront fini de brûler la vie et qu’ils comprendront enfin où est l’essentiel, ils se traiteront de con. Et ils auront raison !
Pascal Hébert
Résistance 2050, d’Amanda Sthers et Aurélie Jean. Les Éditions de l’Observatoire. 208 pages. 21 euros.
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Questions à Amanda Sthers et Aurélie Jean
Tout d’abord Amanda et Aurélie, est-il envisageable de penser qu’une puce cérébrale peut être implantée pour éradiquer entre autres des maladies neurodégénératives ?
Amanda Sthers : je sais qu’il y a déjà des recherches à ce sujet et tout le passage qui explique les essais de Neurolink sont avérés mais c’est une question pour la scientifique…
Aurélie Jean : de nombreuses recherches sont en cours et des puces cérébrales existent déjà pour traiter dans certains cas la maladie de Parkinson par exemple. Comme le souligne Amanda, Neuralink de son côté se penche sur l’élaboration d’une puce à des fins d’augmentation des capacités cognitives. Je ne peux pas dire ce qu’il adviendra dans le futur mais j’espère sincèrement qu’on fera des progrès pour traiter les maladies neurodégénératives comme Alzheimer.
Pouvons-nous y voir le début de l’amélioration des capacités de notre cerveau ?
A.S. : là encore, Aurélie répondra mieux que moi… Je pense que toute avancée scientifique et médicale est formidable si elle est encadrée par l’éthique et tend vers le mieux, la place pour développer d’autres capacités non vers une forme de paresse…
A.J. : je ne peux pas répondre à cette question n’étant pas neuro-scientifique. Une chose est certaine, certaines recherches sont en cours.
Est-il possible de réguler nos sensations et émotions avec une puce ?
A.S. : on peut déjà le faire avec des anti-dépresseurs, du yoga, de la drogue… Donc tout est possible mais le problème reste le contrôle.
A.J. difficile à dire, encore une fois je ne suis pas neuro-scientifique. Notre livre est un moyen pour le lecteur de s’interroger sur les conséquences du déploiement d’une telle technologie, l’innovation en général et la technologie numérique en particulier.
AmandaSthers : « Tout est une question de balance et c’est le message de ce livre : trouver l’équilibre. »
Cette innovation, qui empêche les hommes de surconsommer, peut-elle être vraiment utile dans la lutte contre le réchauffement climatique et éviter la diminution des ressources ?
A.S. : évidemment ! Si on pouvait tous être dirigés par notre raison, cela aiderait sur beaucoup de point, mais nous freinerait sur d’autres. Tout est une question de balance et c’est le message de ce livre : trouver l’équilibre.
A.J. : certainement.
L’antagonisme entre zone blanche et celle des équipés montre le scepticisme d’une partie de la population mondiale face à la science, comme on a pu le constater avec les vaccins lors de la dernière pandémie. Comment expliquez-vous que les hommes soient de plus en plus méfiants vis à vis de la recherche ?
A.S. : je ne pense pas qu’ils soient méfiants vis-à-vis de la recherche en soi mais ils ont peur à juste titre de l’utilisation mercantile et des dérives qui vont avec. Il y a eu de nombreux scandales liés au big pharma. C’est comme avec la politique ; les gens doivent reprendre confiance mais c’est de plus en plus dur car nous avons beaucoup d’exemples qui alarment, donc, comme en amour, doucement, les gens doivent retrouver un lien avec la science et la pédagogie est importante.
A.J. : il y a toujours eu des individus qui rejetaient la science. La différence aujourd’hui est la voix que certains portent au regard des outils de communication comme les réseaux sociaux qui facilitent la propagation de fausses informations et de théories du complot en tout genre. On a tendance à confondre l’esprit critique et la défiance permanente.
Aurélie Jean : « J'espère les êtres humains unis entre eux et avec toute forme de vie qui les entoure. »
Entre la révolution génétique et cette puce qui permet d’améliorer les performances du cerveau, quel garde-fou préconisez-vous pour garantir aux hommes de conserver leur libre arbitre ?
A.S. : accompagner la science d’éthique, de penseurs, de philosophes. Créer des liens, des ponts entre les disciplines comme nous le faisons Aurélie et moi à travers ce roman. Et respecter les différents métiers. Tous les avis ne se valent pas. Ainsi nous pourrons arriver à des découvertes scientifiques éthiques, comme on pense à l’agriculture biologique par exemple.
A.J. : comprendre les technologies qu’ils utilisent au quotidien pour décider comment les utiliser mais aussi de poser les bonnes questions, ainsi que de mettre lapression sur les propriétaires de ces technologies et sur le dirigeant politique.
A l’heure où le changement climatique annonce un futur plus compliqué pour les hommes sur terre, comment voyez-vous l’évolution de l’humanité ?
A.S. : j’ai confiance en l’humanité. Il y a certes une partie qui ne fait pas d’effort, niela réalité mais aussi une autre qui se bat, qui invente, qui sauve.
A.J. : J’ai confiance en l’humanité, le bien attire le bien.
Une intelligence venue du cosmos, comme on le découvre dans votre livre, est-velle scientifiquement envisageable ?
A.S. : vu la taille de l’univers, penser que nous sommes seuls me paraît très arrogant. Mais sous quelle forme apparaîtra un jour cet autre ?
A.J. : rien n’est impossible en théorie. Nous, terriens, existons. Donc pourquoi d’autres espèces ne pourraient pas vivre sur une autre planète même très éloignée. Le laboratoire du SETI de la NASA que nous citons dans notre livre, existe vraiment, et recherche des traces d’intelligence dans l’univers.
Comment voyez-vous l’avenir de l’homme ?
A.S. : je ne me prête pas de qualités divinatoires mais je pense qu’il faudra passer par une sorte d’explosion sociale globale pour redéfinir des bases plus saines.
A.J. : difficile de répondre à une telle question. J'espère les êtres humains unis entre eux et avec toute forme de vie qui les entoure.
Amanda et Aurélie, quelle est votre définition du bonheur ?
A.S. : marcher pieds nus dans l’herbe…
A.J. : marcher les pieds nus dans un musée au sol froid, en plein été…
Propos recueillis par Pascal Hébert
(Photographie : Sandrine Gomez).