Réflexions en enfer (1)
Réflexions en enfer ou notes d’un prisonnier de la peste à propos de l’épidémie en France, printemps 2020.
Mercredi 18 mars 2020.
Officiellement, plus d’épidémie en Chine : un seul nouveau cas. En France : le régime Macron accorde généreusement deux milliards d’euros pour acheter des masques et augmenter les salaires des gens qui travaillent dans les hôpitaux. Le même jour, le même gouvernement annonce qu’il va donner quarante-cinq milliards d’euros pour payer les factures des « entreprises » : électricité et eaux courante gratuites, propriétaires des locaux invités à la gratuité des loyers. Vive le communisme de guerre pour les riches !
En Europe, deux ministres français, deux ministres espagnols, un ministre polonais, la femme du chef du gouvernement espagnol : tous contaminés par le virus. La radio sud-coréenne rapporte sur son site internet francophone : guerre de gangs chez les macaques en Thaïlande dans une ville touristique. Les singes souffrent de la faim parce que les touristes ne sont plus là pour leur donner à manger.
La grande prison : deux cent millions d’humains concentrés à l’extrémité occidentale de l’Eurasie. Enfermés chez eux, empêchés de penser à autre chose qu’à l’épidémie. Qui a fait circuler le virus ? D’abord, les militants du capitalisme, gens qui passent leur vie à aller d’un aéroport à l’autre, d’un hôtel d’« hommes d’affaires » à l’autre, d’un palais présidentiel à l’autre. Les pauvres, en d’autres termes l’humanité normale, sont priés de rester, de gré ou de force, à l’intérieur d’un bout de terrre grand comme un enclos à bestiaux pour expier les péchés de ceux qui les gouvernent. Le taux de contamination parmi les ministres, députés etc. européens doit être cent fois plus élevé aujourd’hui que celui des gens ordinaires.
Pierre Bourdieu, Sur l’État, cours du 17 janvier 1991 : « On pourrait dire en termes un peu plus simplistes : qui a intérêt à l’État ? Y a-t-il des intérêts d’État ? Y a-t-il des intérêts au public, au
service public ? Y a-t-il des intérêts à l’universel et qui en sont les porteurs ? »
Carl Schmitt (juriste d’Hitler, apologiste de la Gestapo) : « Est souverain celui qui déclare l’état d’urgence ».
Naomie Klein, La Stratégie du Choc, trad. française, Actes Sud, 2008, p. 515 : « L’avalanche de désastres qui a marqué les dernières années s’est traduite par des profits si spectaculaires que de nombreux citoyens de la planète en sont venus à la même conclusion : les riches et les puissants tirent des catastrophes des profits tels qu’ils en provoquent forcément à seule fin de les exploiter ». Comme dans le roman de sience-fiction Ubik de Ph. K. Dick, les exploités sont placés en semi-vie artificielle, d’où ils ne manifestent de signes d’activité que quand ceux qui ont du pouvoir les réveillent pour les faire travailler. La continuité d’un État exige la discontinuité de la vie de ceux qui le servent.
Rudolph Virschow : « Politics is nothing but medicine on a grand scale » (1848), en version française : « La politique n’est rien d’autre que la médecine à grande échelle ».
À suivre.
Stéphane Mourad