Le mensonge au pouvoir

Il est insupportable de lire et d'entendre le maire de Chartres dire et écrire n'importe quoi. En réponse à son interview dans le dernier Votre Ville et à ses diverses déclarations, voici quelques éléments rétablissant la vérité ou apportant quelques précisions sur le projet d'aménagement des abords de la cathédrale.

La confusion est entretenue (volontairement ou par ignorance ?) sur le nom des espaces aux abords de la cathédrale : d'une part il y a le cloître Notre-Dame ou pourtour de la cathédrale et, d'autre part, l'esplanade devant la cathédrale ou parvis.

Ainsi le projet d'aménagement des abords de la cathédrale a fait l'objet de deux permis d'aménager distincts intitulés « Requalification de l'espace public dédié aux piétons » :

  • La première phase autorisée par un permis d'aménager délivré le 10 mai 2023 concerne le cloître Notre-Dame.
  • La seconde phase autorisée par un permis d'aménager en date du 17 avril 2024 concerne l'esplanade.

Seul le projet de l'esplanade a fait l'objet d'un avis de la CNPA (Commission Nationale du Patrimoine et de l'Architecture) en juin 2023, contrairement à l'affirmation du rapport d'activités 2023, page 7, reprise par le maire dans le dernier numéro de Votre Ville..

Cet avis, quoique favorable, est agrémenté de plusieurs conditions : La commission « demande que le projet porte une ambition plus grande sur le plan paysager tant pour répondre aux enjeux de recomposition urbaine (…) que pour améliorer le confort des usagers et prendre en compte les effets du réchauffement climatique. Recommande l'adjonction d'une compétence paysagère à la maîtrise d'œuvre. Le futur équipement culturel et archéologique et la dalle qui le recouvre pourront ainsi être revus dans leurs volumes, afin de permettre la plantation d'arbres de haute tige en périphérie de l'esplanade. »

Cependant le projet n'a pas été modifié, contrairement à l'affirmation du maire qui a écrit dans Votre Ville, page 7, que la CNPA « a ajouté quelques prescriptions, dont nous avons évidemment tenu compte ». Ce dégagement des vues sur la cathédrale semble aujourd'hui être reporté aux calendes grecques.

Revenons au cloître Notre-Dame. Le projet se réduit à revêtir la totalité de l'emprise d'un dallage de pierre posé sur plusieurs dizaines de centimètres de béton, impliquant l'abattage du double alignement de robiniers, et la pose de 69 parasols carrés de 2,50 mètres de côté devant les commerces. L'Architecte des Bâtiments de France (suspendue de ses fonctions depuis…) n'a (malheureusement) pas exigé la replantation d'arbres.

Ainsi le réaménagement du cloître n'a été défini qu'entre le maire et ses maîtres d'œuvre : le projet est banal et désolant. Il dénature le lieu. Les dalles sont trop lisses, trop claires, donc éblouissantes et salissantes… Aucune personne censée ne peut approuver la minéralisation totale du cloître. Qu'a dit l'UNESCO ?

Ce qui n'empêche pas le maire d'écrire que les dalles ont été « choisies en accord avec les meilleurs spécialistes français. ». Qui sont-ils ?

En fait « d'écrin digne de la cathédrale » le maire nous livre un sarcophage, pénalisant aussi les archéologues qui n'ont pas eu assez de temps pour terminer les fouilles qui s'imposaient : il a fallu respecter le timing de l'entreprise !

Pour autoriser l'abattage d'un alignement d'arbres le long d'une voie publique, il est nécessaire d'obtenir une autorisation préfectorale. Dans sa demande, le maire a écrit que les arbres étaient malades (diagnostic phytosanitaire peu probant, datant de décembre 2021 qui concluait au maintien impossible des robiniers pourtant en pleine forme trois ans plus tard !) et qu'ils seraient compensés par la plantation de 23 arbres Place Morard, ce qui ne respecte pas l'article L350-3 du Code de l'environnement qui stipule que la compensation « doit se faire prioritairement à proximité des alignements concernés et dans un délai raisonnable », d'autant que ces 23 arbres sont partie intégrante d'un projet déjà établi.

Le 9 septembre 2024, l'ADEAC a porté un recours gracieux contre l'arrêté préfectoral du 11 juillet « portant autorisation d'abattre plusieurs arbres d'un alignement au droit du portail Sud de la cathédrale ». Le Préfet n'y a pas répondu.

Une première pétition, très bien accueillie, a reçu 500 signatures en quelques jours. La grande majorité des personnes interrogées souhaitent la replantation de l'alignement.

L'arrêté préfectoral n'a pas été affiché : alors, sans prévenir et en pleine nuit, des bûcherons sont venus abattre les 10 robiniers le 2 octobre 2024.

Le plus grave est que l'alignement d'arbres, présent depuis plus d'un siècle, a été supprimé sans raison valable. En effet, cet alignement a été créé à la suite de la démolition de l'ancien Hôtel-Dieu en 1868. Depuis, il y a toujours eu des arbres à cet emplacement, comme en témoignent plusieurs photographies. Cet alignement faisait partie du patrimoine, apportait de la fraicheur et de l'agrément.

Dire qu'il n'était pas possible de replanter des arbres est une véritable imposture ! Aujourd'hui ce sont 32 parasols de 5 mètres de coté (sans permis modificatif…) qui ont été imposés assortis d'une augmentation de la redevance pour les terrasses des restaurants.

Monsieur le Maire, c'est vous qui faites « litière des à-peu-près et des mensonges ».

Patrick Chenevrel, président de l'ADEAC

Légende de la photographie : de grands arbres ont agrémenté la partie sud du Cloître Notre-Dame depuis 150 ans. Il était donc parfaitement possible de les renouveler.