Ouvrons grand la porte !*

A une année environ des prochaines élections municipales, on est fondé à s’inquiéter : un quatrième mandat du même maire est-il possible ? Ce dernier, qui achèvera donc en 2020 son troisième mandat, une fois dans la place, a oublié combien il avait vitupéré la longévité du précédent. Il semble que flotte  sur la ville un air de résignation à cette perspective. Pourtant, tout ce qui existe ou se met en place est scandaleux autant que déplorable. Essayons une liste, évidemment non exhaustive et provisoire (sans, bien entendu, répéter ce que j’ai lu dans vos colonnes). Ce ne sont ici que des « choses vues » de l’habitante lambda.

Le parvis de la cathédrale est dégagé : faut-il penser que ces travaux tant redoutés vont démarrer, plus pharaonesques que les autres, décriés par les amoureux de l’art sacré autant que par ceux du patrimoine, enfin par tous ceux qui, arrivant là, exultent de la voir dans sa majesté, grâce à l’étendue du regard  ? A sa gauche désormais, Jean Moulin en fresque BD : « ils » s’approprient donc aussi sa figure, sans vergogne, et en grand format. Au chevet, l’ancien archevêché, qui abrite ce qui fut le  musée des Beaux-Arts : intriguée par la gratuité, j’y suis allée. Les collections (réduites : où est passé l’ensemble de celles-ci ?) sont mélangées et entassées dans deux ou trois salles, comme dans un grenier. Un Soutine est posé à côté de rescapés du fonds Bouge. Pêle-mêle dans un coin les statues médiévales. Qui s’occupe de ces œuvres ?

Hier, au Monoprix, une jeune fille m’a abordée pour me proposer Epik, dont j’avais deviné, à lire l’ours, que cette publication n’est pas sans rapport avec une dame portant le nom du maire. Après avoir tué la presse locale, et aussi ce qui pouvait porter le nom de culture, « ils » osent inventer un magazine prétendument dévolu à ladite culture ! J’ai répondu à la jeune fille que j’aimerais enquêter sur les moyens mis en œuvre pour sortir ce canard – qui ne doit donc pas se vendre si bien que cela : coût de l’aventure éditoriale ?

Il y a par ailleurs toutes sortes d’indices de ce que Chartres se dévitalise à mesure qu’elle est mise en coupe ultra-libérale réglée. On avait noté l’uniformisation des commerces (les marques au centre ville, seules rescapées), maintenant beaucoup de rideaux se ferment, et certaines rues ont cet aspect désolé des villes asphyxiées, probablement par les centres commerciaux de la périphérie… J’ai posé la question des causes à plusieurs commerçants : ils disent notamment que la mairie s’en fiche, qu’elle trouve que tout va bien. Une forte amertume résulte de l’éternisation des travaux de l’hôtel de ville – on avait fait miroiter la fréquentation d’un personnel nombreux, qui n’est toujours pas installé, et serait loin de l’être, vu les retards accumulés, assortis de batailles juridiques. Une commerçante m’a d’ailleurs renvoyée à Cactus…

Autre constat effarant : j’ai eu l’occasion de discuter avec les employés, un jour que je portais de vieux objets à la déchetterie. Pas fière de jeter aux  « encombrants » une vieille chaise (en bois), un séchoir désarticulé (en acier), etc. Il y avait aussi au fond de la fosse du polystyrène : à ma question « Et tout cela est ensuite retrié ? Comment faites-vous ? », ils ont ri, et dit que tout allait être brûlé…

Ce qui me conduit à mon dernier point : la propagande de la Ville et de l’Agglo qui est déversée dans les boîtes, vantant les vertus de la gestion environnementale : scandale dans la forme autant que dans le fond. Quant au choc d’avoir découvert le vieux saule de la passerelle de la Corroierie scié… Et le discours lénifiant de la mairie se vantant dans l’organe officiel d’avoir réparé un pont fait pour durer ! Sans faire mention de l’arbre. Plus qu’un paysage défiguré, c’est un assassinat : tous les gens qui passent là au quotidien vous diront que ce tronc est un reproche vivant. Et qu’on ne vienne pas une fois de plus l’accuser d’avoir été dangereux !

Mes doléances s’arrêtent ici pour l’heure. J’ouvre peut-être des portes grandes ouvertes, mais j’ai le sentiment très net, à simplement ouvrir les yeux, à lire, à écouter, que l’équipe actuelle devrait rendre des comptes. Le maire actuel surfe apparemment sur le préjugé qu’ « il n’y a personne en face ».  Espérons qu’au contraire il va trouver du monde, des projets, et une résolution plus solide que son instinct de propriétaire de la ville et de toutes les instances du pouvoir local.

Chantal Vinet

* Ce billet est la version remaniée d’un précédent billet intitulé « Personne en face ? »