Moratoires

A la veille de l’entrée dans la période de campagne officielle des élections municipales 2026, Jean-Pierre Gorges, candidat à un cinquième mandat et nouvel adhérent de la droite « républicaine » décomplexée, adresse une lettre ouverte au futur ex-premier ministre François Bayrou. Ce message n’a rien à envier au discours des droites les plus extrêmes. Gorges, champion toutes catégories de l’accroissement de la dette communale, ose l’inviter à poser trois moratoires pour réduire le déficit des comptes publics.

Arrêt de toute immigration dans l’attente de l’intégration des étrangers déjà présents sur le territoire national.

L’instabilité climatique et les incertitudes géopolitiques ouvrent fatalement une ère de déplacements humains sur toute la planète. Le déni migratoire est aussi irresponsable que le déni climatique. Il n’y a pas de crise de l’immigration en Europe, mais une crise de l’accueil. Au-delà d’un devoir moral et humain que d’aider notre prochain en souffrance, c’est une opportunité que d’accueillir dignement celles et ceux dont la jeunesse, la culture, l’énergie et les compétences vont nous enrichir à l’heure où pour la première fois depuis plus d’un siècle le solde démographique naturel est en déficit en France. Aucune étude économique sérieuse n’a jamais par ailleurs démontré le coût de l’immigration pour les comptes publics : seule la récupération électoraliste nauséabonde est ici au rendez-vous.

Gel des embauches dans la fonction publique en dehors des missions régaliennes de l’Etat.

Les services publics constituent le ciment de la société, le socle de la République. Soigner et éduquer dans de bonnes conditions sont plus que jamais des facteurs de réduction des inégalités et un investissement pour un avenir apaisé. L’histoire économique mondiale a démontré que jamais l’austérité n’a assaini les finances publiques. Rien de surprenant de celui qui a remplacé l’accueil téléphonique de la mairie par un robot conversationnel et qui déclara un jour en conseil municipal : « Une demi-heure avec Chat GPT vaut mieux qu’une journée avec un instituteur » !

Arrêt du déploiement des énergies renouvelables au profit de la relance du parc nucléaire

Le fiasco du projet d’EPR de Flamanville ridiculise tous les soutiens à la filière nucléaire : un surcoût de 12 milliards d’euros (soit un triplement du budget initial) et un retard de 6 ans pour une centrale déjà à l’arrêt pour non-conformité d’organes de sûreté essentiels : quelle réussite ! Au-delà des considérations de sécurité publique et de la « pochette-surprise » des déchets et du démantèlement léguée à nos descendant.es, ce bilan économique désastreux devrait disqualifier la relance de cette filière. Par ailleurs, cet été, les centrales situées au bord du Rhône ont dû réduire leur production en raison de la température du fleuve. Pour le même budget, des millions de Françaises et de Français auraient pu voir leur logement isolé thermiquement : la sobriété est le levier le plus puissant de la délicate équation de l’énergie décarbonée.

Nos voisins européens nous distancent actuellement sur le front des énergies renouvelables : nous devons redéployer dans un cadre contrôlé et public les moyens de production éolien, solaire, biomasse et géothermiques dans le respect des exigences des écosystèmes t de la biodiversité.

L’austérité sociale et les renoncements écologiques ne sont pas des réponses à la crise financière engendrée par le recul de la collecte des recettes auprès des ultra-riches et des multinationales. Leurs revenus et dividendes n’ont jamais progressé aussi vite au mépris de la solidarité nationale. Le pacte républicain repose sur la justice fiscale qui doit être restaurée d’urgence.

Si un gouvernement conforme à la dynamique du Nouveau Front Populaire est nommé dans les semaines suivantes, voici les trois moratoires que je lui soumettrai en cohérence avec le pacte programmatique législatif de l’été 2024 :

GEL DE LA REFORME DES RETRAITES : contrairement à ce que dit souvent Gorges en conseil municipal, le capitalisme n’est plus le vecteur de l’augmentation de l’espérance de vie qui justifierait de repousser toujours plus tard l’âge légal du départ en retraite. Dans son ouvrage « pour l’Etat socio-écologique », l'économiste Eloi Laurent souligne que le bilan démographique dressé par l’INSEE pour 2022 montre la régression de l’espérance de vie depuis la réforme des retraites de 2014 : l’espérance de vie des femmes à la naissance a davantage baissé de 2014 à 2022 que n’a légèrement augmenté celle des hommes, cette évolution à la baisse étant encore plus marquée pour l’espérance de vie à 60 ans.

ARRET des PROJETS AUTOROUTIERS, de MEGABASSINES et de PLATEFORMES LOGISTIQUES qui détruisent l’habitat de tous les vivants, compromettent nos capacités à nous nourrir demain et accélèrent le flux des marchandises inutiles

PAS DE FERMETURE DE CLASSES et ARRET de l’IA à L’ECOLE : moins de machines et plus d’humains pour prendre soin de l’avenir de nos enfants.

Le numéro de septembre d’Alternatives économiques décrit par de nombreux exemples comment nos voisins espagnols, autrichiens et britanniques affrontent avec plus de succès leurs remous financiers après avoir abattu le tabou de la taxation des ultra-riches, tout en faisant progresser les droits et la protection des plus fragiles et sans renoncer à la planification écologique.

Jean-François Bridet