Les sept mariages d'Edgar et Ludmilla, de Jean-Christophe Ruffin
Avec Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, Jean-Christophe Rufin nous propose un retour dans le temps. Ou plutôt l’histoire de toute une vie et de la vie en général. Avant que la nostalgie s’impose, Jean-Christophe Rufin passe par un retour en arrière. Un regard dans le rétroviseur qui nous emmène tout droit au cœur de ce que l’on appelle les Trente glorieuses.
De cette seconde partie du 20e siècle, épargnée par la guerre. Il y a tout d’abord cette rencontre improbable entre Edgar et Ludmilla au cours d’un voyage dans la Russie de Staline. Un moment fort de cette histoire, voire surréaliste que Jean-Christophe Rufin a parfaitement travaillé. Edgar, de retour en France, fera tout ce qu’il est possible (et même impossible) à l’époque pour retrouver celle qui le fera chuter du plus haut de son âme. Et des chutes, il y en aura quelques unes entre ces deux là ! Ils se sont dit oui sept fois dans des situations aussi surprenantes les unes des autres. Mais le désir rassasié, l’évolution du couple et la vie de l’un et de l’autre ont fait qu’à chaque fois une rupture n’était jamais bien loin.
Mais qui sont les héros de ce roman ? Edgard est ce que l’on appelle une sorte d’aventurier des temps modernes qui s’adapte aux situations. Il entre dans le monde des affaires avec tout le culot de celui qui veut réussir à tout prix. Il y a une part d’ombre qui fait également de lui un escroc de ces années où l’argent coulait à flot. Quant à Ludmilla, c’est l’âme slave par excellence. Sortie tout droit d’une Russie enchaînée, cette exilée se fait remarquer par ses talents de chanteuse d’opéra. Elle deviendra une cantatrice acclamée sur toutes les scènes du monde. Ne pouvant pas vivre l’un sans l’autre, Edgar et Ludmilla se cherchent en permanence. Ce besoin de l’un et de l’autre se ressent dans l’absence après chaque séparation.
Dans ce livre, et fait assez rare pour le souligner, le romancier tombe le masque. Il nous explique en postface : « S’il faut que l’auteur apparaisse un instant derrière sa création, je dirai simplement que j’ai personnellement éprouvé ces phénomènes. (#) Si le couple, quel qu’il soit, garde toujours pour ceux qui l’observent de l’extérieur sa part de mystère, le couple à mariages multiples constitue une énigme encore plus grande. » avant de dire : « Je n’aurais pas eu de courage de briser cette convention en racontant directement ma propre histoire. L’aveu, chez moi, prend toujours le masque de la fiction. En projetant sur des personnages des passions que j’ai éprouvées moi-même, je me délivre de toute inhibition, j’écarte la pudeur et accède à la liberté du créateur. »
Pascal Hébert
Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, de Jean-Christophe Rufin, éditions Gallimard, 374 pages, 22 €.