Les mardis citoyens au Marigny, Pour une politique d'autosuffisance alimentaire
Recension du débat du 6 décembre 2022 : "Quelle autosuffisance alimentaire pour les habitants du bassin de vie de Chartres ?"
Pour la clarté du compte-rendu, les interventions enregistrées au fil des débats sont regroupées, du mieux possible, en quatre thématiques :
1. Les modèles sur lesquels fonctionne notre alimentation
L’âge de "l’avant", celui de nos parents et surtout grands-parents, était en gros celui de l’auto-suffisance, surtout à la campagne, avec des producteurs-consommateurs. A noter toutefois qu’il fallait un cheval de trait et son entretien pour 10 hectares de cultures.
L’agglomération parisienne s’alimentait à une ceinture maraîchère bien fournie.
Nous vivons aujourd’hui autour de l‘hypermarché, qui s’approvisionne à l’échelle mondiale auprès de producteurs hyperspécialisation et industrialisés. Les cultures vivrières se sont éloignées des consommateurs dans une logique de mondialisation. En matière d’élevage, les territoires ont été progressivement privés d’abattoirs de proximité, ce qui à défavorisé l’élevage artisanal.
Au stade de la consommation, l’alimentation des collectivités de Chartres (écoles, cantines) est préparée chaque jour pour 12 000 personnes dans une usine géante.
2. Les crises présentes
La réflexion intègre la possibilité d’une crise majeure (transports, énergie, évènement climatique…), privant l’agglomération de ses approvisionnements habituels : les pénuries surviendraient alors en seulement quelques jours.
Quelques menaces identifiées :
La perte des surfaces cultivables. L’artificialisation des terrains neutraliserait l’équivalent de trois terrains de football chaque jour en région Centre. La réalisation de l’autoroute " A 154 + A 120 " consommerait, s’il elle était effective, 660 hectares de terres agricoles, l’équivalent d’une journée de pain pour 40 000 personnes.
Les modes de production, sources de graves déséquilibres : pesticides, consommation d’eau, pertes de biodiversité, consommation excessive d’eau, endettement démesuré des agriculteurs, coûts énergétiques et transports.
3. Des expériences alternatives
Quelques témoins ont évoqué leur expérience.
Maximilien Vangeon a choisi la polyculture de lentilles, quinoa, pois chiches et sarrasin. Transformation de la farine sur places. Marchés fermiers et pas de fourniture aux grandes surfaces.
Maxence démarre avec un associé une réalisation de jardin partagé sur 12 000 m² pouvant fournir 1000 personnes en légumes.
Thomas met en place une réalisation associant l’aménagement urbain de loisirs et l’agriculture urbaine, en lien avec une régie de quartier à Lucé.
Micheline évoque l’expérience des jardins partagés à Nogent-le-Rotrou.
Claire informe sur son projet d’agriculture urbaine, sur l’existence du réseau des urbaculteurs (cf. https://www.resilienceurbaine.org)
Ces expériences fonctionnent bien dans les régions ouest et sud-ouest. En Eure-et-Loir, pas encore…
4. Les défis à relever, les leviers à actionner
Les surfaces cultivables doivent non seulement être préservées de toute artificialisation, mais aussi être restaurées partout où cela est possible.
La question du financement et des modèles économiques est posée, pour que les familles d’agriculteurs sortent d’une dépendance des banques (endettement) et de la bureaucratie de la P.A.C. (pour les subventions). La question de la transition est également posée, notamment sur le point de la durée du soutien au candidats aux nouveaux modèles, la loi actuelle limitant les aides à trois ans.
La question de l’énergie est majeure, que ce soit pour le captage de l’eau, le fonctionnement des engins ou pour la réfrigération des produits.
La ressource en eau devra être préservée en qualité et en quantité, ce qui implique un changement de modèle pour les choix de cultures et les techniques de production (permaculture).
Les circuits de commercialisation devront évoluer vers la proximité et la minimisation des intermédiaires.
...et au niveau de la demande :
un double mouvement reste à faire. L’imaginaire de la population est encore majoritairement dans le modèle conventionnel (le monde près de chez moi, toute l’année, pour pas cher et sans rien à cuisiner).
Comment rendre désirable le modèle soutenable ? La qualité et le goût semblent bien fonctionner dans les cantines qui ont expérimenté les productions locales.
Pour la production, ce modèle soutenable implique un retour à la terre pour un grand nombre d’actifs. Un mouvement s’amorce dans la jeune génération, plutôt diplômée, pour une existence plus manuelle et tout autant technique. Beaucoup d’actifs souffrent d’un manque de sens de leur travail, et d’autres perspectives pourraient alors s’offrir à eux.
Rapporteur : Bernard Renet