Les finances de l'agglo, par Éric Chevée
Les finances de l’agglo – La Genèse (1)
« À Chartres, les impôts baissent et les investissements redoublent ». Ce poncif, récurrent dans la bouche de nos édiles, masque une réalité beaucoup moins glorieuse : même si les impôts des électeurs (les ménages) sont relativement épargnés – ils restent quand même 30 % au dessus des villes de même catégorie -, ceux des entreprises augmentent fortement et les tarifs publics (eau, transports, déchets, parking, enseignes…) sont en forte hausse. La dette de la ville de Chartres flirte avec les 100 millions d’euros, celle de l’agglomération atteint les 250 millions d’euros, dans l’insouciance générale.
Comment en est-on arrivé là ?
ll faut remonter plus de vingt ans en arrière, en 1997 : Georges Lemoine est sous le coup à la fois du cumul des mandats et d’une gestion catastrophique sanctionnée par la Chambre régionale des Comptes qui le menace de tutelle.
Il choisit de laisser la ville à son 1er adjoint Jean-Louis Guillain et à son adjoint aux finances Laurent Rabaté, et se réfugie à l’Assemblée nationale. De toute façon, les finances de la ville sont exsangues et les deux désignés volontaires n’auront d’autres loisirs que d’essayer de rétablir une situation largement obérée. Mais ils vont sacrément bien y réussir… au prix, il est vrai, d’une augmentation drastique des impôts, d’une renégociation de la dette, d’une gestion du quotidien à l’économie et de l’arrêt de tout investissement.
En 2001, les impôts des Chartrains sont 80% au-dessus de la moyenne des villes comparables et il n’y a plus d’investissement en cours, mais la dette de 50 millions d’euros est renégociée, les comptes sont assainis, la capacité d’autofinancement retrouvée, si bien qu’en 2002, il faut moins de deux ans d’épargne brute à la ville pour rembourser sa dette. On en rêverait aujourd’hui ! Sauf qu’en 2000, ces bons résultats ne sont pas encore connus et la campagne des élections municipales se déroule sous une avalanche de mauvais résultats pour l’équipe sortante et se solde par un rejet massif du système Lemoine à bout de souffle.
Une aubaine pour Jean-Pierre Gorges qui se fait élire sur le discours d’une situation catastrophique et se retrouve en fait face à une situation largement assainie et assis sur « un tas d’or », les impôts des Chartrains.
L’aventure peut commencer : baisse homéopathique des impôts et investissements massifs, tellement somptuaires que le flot d’impôts qui se déverse tout les ans sur la mairie n’y suffit pas ; il faut rajouter de la dette. Quinze ans après, on est loin de revenir à la moyenne de la strate en matière d’impôts, la dette a augmenté de 140% entre 2001 et 2018 et on approche les dix ans d’épargne brute pour la rembourser.
Où est l’exploit ? Sans doute dans la communication, massive et maîtrisée, qui fait passer des vessies pour des lanternes.
Les finances de l’agglo – La méthode (2)
Mais la méthode Gorges est désormais posée : les impôts des électeurs doivent continuer de baisser, même très légèrement, et les investissements doivent être de plus en plus massifs, de plus en plus somptuaires. Impossible pour le « Caudillo » d’y renoncer sous peine de sanction électorale immédiate. Oui, mais en deux mandats, les capacités financières de la ville sont maintenant épuisées, on atteint des plafonds de dettes. Il faut donc trouver une nouvelle source de financement : ce sera l’agglo… et les satellites.
Ça tombe bien. Les obligations légales sur l’intercommunalité vont servir les desseins de notre édile, car la communauté s’agrandit sur un territoire de plus en plus vaste.
L’agglo a un grand avantage par rapport à la ville, c’est que les impôts sont très majoritairement acquittés par les entreprises qui ne votent pas (sauf leurs patrons, mais ils sont de droite…) et très peu par les ménages qui votent (et qu’il faut donc choyer…).
Depuis 2014, début du mandat actuel, c’est donc l’agglo qui prend le relais du financement des ambitions « pharaonesques » de Gorges. Un exemple parfait d’illustration de la méthode Gorges : le pôle administratif en construction.
Au départ, il y a une pulsion violente de l’édile : « Il me faut une salle de conseil à la hauteur de ma grandeur ». En langage gorgien, on appelle ça une idée géniale. Ensuite, il y a la construction d’un discours autour : « on va construire un pôle administratif pour mettre un guichet unique et regrouper tous les services, ville, agglo, CCAS, Chartres Habitat, les SPL, les SEM,… et même la RSEIPC ! Il nous faut 12 000 m². Donc on va détruire l’aile Maunoury ». Sauf que 12 000 m² ne rentrent pas sur le site choisi et ne suffiront même pas à loger tous les services…
Enfin, on trouve un financement : annoncé pour 35 millions d’euros à l’origine, la facture finale avoisinera les 65 millions d’euros, près du double.
Comment financer ? L’agglo.
Au départ, en 2014, il était prévu qu’elle finance à hauteur de 20 millions d’euros. Puis on y a rajouté la participation au financement des abords : 2 millions d’euros. Mais ça ne faisait pas encore le joint, vu l’explosion des budgets. On a donc rajouté encore 5 millions d’euros en 2015, pour finir (si tout va bien) à une ardoise de 27 millions d’euros, versée par l’agglo à la ville, sous forme de subvention d’équipement !
Autre exemple de la méthode Gorges : la nouvelle station d’épuration.
La pulsion violente : « Je veux emm… le maire de Mainvilliers qui n’est pas docile ».
L’idée géniale : « Je mets la station sur sa commune à coté d’Orisane ».
La construction d’un discours autour : « On va faire un pôle déchets pour tout regrouper ».
Peu importe qu’il faille créer une double canalisation de 4 km sur 40 mètres de dénivelé positif pour remonter les effluents et que ça monte l’addition de 10 millions d’euros supplémentaires. Qui paie ? L’Agence de l’eau et le consommateur d’eau, c’est moins visible que les impôts locaux.
La méthode se retrouve à la gare pour la salle multifonctionnelle, culturelle et sportive.
La pulsion violente : « J’adore les grands parkings : je n’ai pas réussi à créer les 3 000 places en ville que j’avais prévues en 2001, je vais les faire à la gare ».
L’idée géniale : « Je mets un équipement public à coté pour le remplir le soir quand les travailleurs pendulaires sont rentrés ».
La construction d’un discours autour : « On le met sur le pôle gare pour bénéficier des transports publics qui convergent là».
Sauf que les services publics de transports ne fonctionnent plus à l’heure des spectacles et des matchs ! « C’est pas grave, on va les faire marcher le soir ».
Qui paie ? Là, ce sont encore les entreprises qui paieront avec une CFE (cotisation foncière des entreprises) sur le territoire de l’agglo qui augmente beaucoup plus vite que l’inflation et avec une augmentation de 60% en un mandat du versement transport payé par les entreprises pour financer les bus !
Les finances de l’agglo – La petite cuisine (3)
Pour financer la méthode Gorges, il faut s’arrêter un instant sur les mécanismes financiers qui accompagnent les transferts de compétences des communes à l’agglo. En cette période d’argent public rare et de forte baisse des dotations versées par l’État aux collectivités locales, il faut mutualiser, c’est-à-dire faire à plusieurs ce qui coûterait plus cher à faire tout seul. C’est vrai, c’est absolument nécessaire pour économiser l’argent public et réduire – enfin, un jour – les dettes et déficits, qui, rappelons-le, sont les impôts des générations futures.
La technique est parfois difficile à suivre, car elle fait appel à beaucoup de dotations aux noms compliqués, à des transferts de personnels, à des refacturations…
Bref, une bonne petite cuisine interne !
Par exemple, quand une commune adhère à l’agglo, elle y transfère des compétences (développement économique, contingent incendie…), donc des dépenses de service public qu’elle ne supportera plus. Elle fait des économies. Mais les impôts des entreprises qu’elle recevait sont désormais versés directement à l’agglo. Elle perd donc de la recette fiscale. Généralement, elle perd plus qu’elle n’y gagne et reçoit tous les ans, en échange, une attribution financière de l’agglo pour compenser l’écart : l’attribution de compensation.
L’attribution de compensation est donc une dépense obligatoire pour l’agglo et une recette nécessaire pour la commune. En revanche, le bénéfice de la mutualisation, c’est-à-dire le fait que les impôts des entreprises augmentent alors que les charges mutualisées diminuent (sinon c’est une mauvaise mutualisation), ce bénéfice, lui, reste à l’agglo.
L’agglo a donc les moyens de verser, si elle le souhaite, une dotation de solidarité communautaire, répartie selon des critères qui sont à discrétion de la majorité du conseil d’agglo (donc de son président).
On commence à comprendre le double intérêt de cette dotation :
- on peut choisir de faire évoluer ou non son montant, puisqu’elle n’est pas obligatoire ;
- on peut choisir des critères qui favorisent telle ou telle commune ;
Et ainsi conserver à l’agglo le bénéfice de la mutualisation. Ou l’orienter là où on le souhaite… À Chartres, on a même rajouté une troisième dotation, le fonds de concours, sans plus aucun autre critère d’attribution…que l’accord de l’exécutif de l’agglo ! Plus discrétionnaire, tu meurs…
Essayons d’y voir clair à l’aide d’un exemple en cours d’application cette année : le transfert de la compétence réseau (électricité, éclairage public, gaz, chaleur, télécommunication, haut-débit et numérique) des communes à l’agglo.
La compétence a été transférée à l’agglo en 2015. Les communes n’auront donc plus les charges d’entretien et de maintenance des réseaux. Mais elles ne feront pas pour autant des économies, puisque leur attribution de compensation va baisser du même montant.
L’agglo va économiser 1 900 000 euros d’attribution de compensation qu’elle ne versera pas aux communes, mais elle paiera les charges d’entretien réparation des réseaux à la place des communes, moins les bénéfices de la mutualisation : en effet, selon le postulat qu’on met en commun pour que ça coûte moins cher, l’agglo va faire une économie dans l’opération. Ou alors, ce n’était pas la peine de mutualiser. (Et on considérera ici, pour rester simple, que la qualité de service est constante avant/après…)
De combien sera l’économie pour l’agglo ? C’est une bonne question… dont on n’a pas la réponse !
En effet, il faudrait au moins avoir les pouvoirs d’investigations d’une chambre régionale des comptes pour répondre à cette question. Les mécanismes sont maintenant tellement compliqués qu’ils sont devenus opaques. Ça tombe bien, ce n’est pas une information dont la divulgation serait pertinente pour l’exécutif de l’agglo !
Il existe bien une Commission Locale d’Évaluation des Charges Transférées, dont l’acronyme – CLECT – sonne comme une bonne fessée, car si la commune se trompe dans son évaluation (ou si l’agglo n’est pas d’accord avec le chiffrage), elle va en prendre une bonne ! De plus, cette CLECT est juste chargée d’évaluer la charge économisée par les communes, pas les profits de mutualisation réalisés par l’agglo dans l’opération. Et comme en 2016, ni le montant prévu pour la dotation de solidarité communautaire (bloqué à 7 800 000 euros), ni celui du fonds de concours (1 million d’euros) ne sont en hausse, c’est bien l’agglo qui encaissera le boni. Ça paiera au moins une partie du palais du maire.
Pour être honnête, il n’est pas forcement scandaleux que les bénéfices de mutualisation restent à l’agglo. Mais, à tout le moins, l’information doit être donnée aux communes.
Et en cette période de restriction de dotations versées par l’État aux communes, il ne serait pas illogique qu’une partie du produit de la mutualisation retourne aux communes selon un mécanisme démocratique transparent, et non pas en passant sous les fourches caudines d’une dotation de solidarité communautaire ou, pire encore d’un fonds de concours qui conservent, l’une comme l’autre, une bonne part discrétionnaire.
Les finances de l’agglo – Les bonnes recettes (4)
Dans la petite cuisine, on fait des « bonnes » recettes.
En voici deux, en commençant par la trop fameuse « gestion dynamique de la dette », servie avec une légère pointe d’amertume.
Retour en 2006-2009. Il faut financer les projets : médiathèque, boulevards pour la ville, complexe aquatique pour l’agglo…il faut beaucoup d’argent et lever de gros emprunts.
Notre sémillant édile ne saurait se contenter d’une gestion à la papa, en bon père de famille. Des banquiers avisées proposent des produits structurés, en clair des emprunts pourris sur lesquels on paie un taux promo les deux premières années (la période bonifiée) et ensuite un taux pourri (mais on ne le sait qu’après). Il faut juste trouver le pigeon, capable de signer un contrat auquel il ne comprend pas grand-chose, auquel d’ailleurs personne ne comprend rien.
A Chartres, on en a un avec une bonne tête de vainqueur !
Et d’expliquer à l’opposition qui critique : « vous n’avez rien compris, nous, on fait de LA GESTION DYNAMIQUE DE LA DETTE ! On achète, on vend de l’argent. C’est une marchandise comme une autre, c’est comme si c’était des carottes… ».
Sauf qu’on ne paie pas d’intérêt sur les carottes ! Bref, pour sortir de ces emprunts pourris de l’agglo, six ans après, on est obligé d’emprunter 30 millions d’euros à plus de 5% quand le taux de l’usure pour les collectivités est à 3,33%. La différence, c’est 12 millions d’intérêts supplémentaires que les Chartrains vont payer sur 20 à 30 ans ! Plutôt dynamique la gestion !
Et pour pas dire qu’on s’est fait avoir, on dit qu’« on a sécurisé le financement des investissements en cours ». Sécurisé, tu parles ! La réalité, c’est qu’on est obligé !
Même motif, même punition pour les emprunts pourris de la ville, un peu plus même. Mais ils sont tous soldés.
En revanche, à l’agglo, il en reste un, un spécial qu’on avait levé pour financer le complexe aquatique (10,7 millions d’euros de capital restant dû au 1er janvier 2016 quand même) et qu’on ne peut pas racheter, car avec une formule que même les experts mondiaux ne comprennent pas et qu’on surveille comme le lait sur le feu… Et à l’hôpital ? Mystère, mais on dit qu’il ne serait pas épargné.
Deuxième « bonne » recette : le transfert des subventions des clubs sportifs, et notamment du handball, au secteur « privé ».
Un club de handball en première division, ça coûte cher, plus de 1,5 millions d’euros de subventions. Pourquoi pas d’ailleurs ?, c’est un choix qui se défend : visibilité, appartenance, exemplarité, attractivité du territoire…
Au départ, c’est la ville qui supportait le tout, comme pour les autres sports de haut niveau. Mais 1,5 millions d’euros pour la ville quand les finances commencent à flancher, c’est très cher ! Il faut trouver une solution. L’agglo ! Le club devient communautaire et l’agglo verse 950 000 euros de subventions à la place de la ville au titre de l’attractivité du territoire.
Mais ce n’est pas tout. Puisque le club est en premier division, le discours officiel se met en place : « c’est au secteur privé de prendre le relais des subventions du secteur public par le biais du sponsoring ou du mécénat. Donc la ville ne verse plus de subventions au club ».
Alors-là ! Chapeau bas ! Lever 500 000 euros auprès des entreprises de l’agglo ! Respect ! C’est une somme et on en reste coi. Et la ville s’allège de 500 000 euros supplémentaires de subventions au handball…
Sauf qu’en fait de secteur privé, c’est le secteur parapublic sous contrôle gorgien qui prend le relais !
La RSEIPC – Régie électrique du pays Chartrain dont l’agglo a opportunément pris le contrôle à la faveur du transfert de compétence Énergie à l’agglo -, la RSEIPC donc, doit s’acquitter d’un sponsoring de 350 000 euros. Et pour le solde, c’est la SPL Chartres Aménagement qui s’y colle : 150 000 euros de subventions !
Drôle de conception du « privé » : ce sont toujours nos impôts, nos taxes, et qui sait ? demain notre tarif d’électricité qui paient. Et les Sociétés Publiques Locales (SPL), justement, parlons-en. Elles sont des sociétés de droit privé avec des actionnaires publics comme la ville, l’agglo, les communes et même parfois des actionnaires privés (des banquiers, par exemple) pour certaines d’entre elles. On est là plutôt dans « le plat de résistance » que dans « la bonne recette ».
Les finances de l’agglo – Le plat de résistance (5)
Jean-Gorges adore les satellites para-municipaux et para-communautaires. En 2019, il en a placé en orbite la bagatelle de quinze :
- SPL Chartres Aménagement
- SEM Chartres développements immobiliers
- SPL Chartres métropole Transports
- SEMOP Chartres métropole Eau
- SEMOP Chartres métropole Assainissement
- SPL Chartres métropole Energie
- SEM Chartres métropole Innovations numériques
- SPL Chartres Événements (pour exploiter le futur Chartrexpo et le mini-zénith à la gare (?) et qui intéressera, sans doute, quelques prestataires de l’événementiel…)
- GIP Chartres métropole Restauration
- Office du Tourisme intercommunal C’Chartres Tourisme
- Chartres métropole Habitat
- Centre intercommunal d’Action sociale
- SEM Synelva collectivités
- SEM valorisation
- Régie autonome Chartres métropole Traitement et valorisation
À Chartres, on aime beaucoup ce mélange, qui autorise de la souplesse dans la gestion des affaires locales – c’est pour cela qu’elles existent – mais dans une totale opacité :
- recrutements de personnels sous statut privé, qu’on peut soit rémunérer sans les contraintes de la fonction publique, soit virer très facilement,
- levée d’emprunts, garantis par la ville et l’agglomération, et que, bien sûr, on ne consolide pas dans la dette globale des collectivités, bien qu’elles les garantissent à hauteur de 80% et qu’elles en sont les actionnaires quasi exclusifs,
- subventionnement de certaines activités, comme on l’a vu pour le handball, à la place des collectivités,
- présidences rémunérées confiées à des élus méritants.
Les deux premières sont les plus anciennes… et les plus intéressantes : à la grand époque du deuxième mandat gorgien, elles ont remplacé la Société d’Economie Mixte (SEM) de la ville de Chartres pour devenir le bras armé de l’interventionnisme municipal : « les professionnels de l’immobilier locaux sont des nuls. J’achète tout le foncier disponible sur Chartres et je rase, j’aménage, je construis les logements intermédiaires qui manquent à Chartres ».
Bilan un mandat plus tard : les deux, financés à coup d’avances remboursables de la ville et de l’agglo, affichent de lourds déficits accumulés. Les avances ne seront jamais remboursées et sont même incorporées au capital pour compenser les pertes qui s’accumulent. Les programmes de construction sont enkystés car les prix des appartements sont trop élevés, l’INSEE confirme, au grand dam du Maire-Président-Député, que la population diminue à Chartres… La politique du logement est un grave échec. Et les professionnels de l’immobilier rigolent…, car oui, c’est un métier !
Pour la SPL Chartres Transports, la problématique est différente : en 2014, lors du renouvellement du contrat de concession, en raison une sombre histoire de taxe professionnelle avec le prestataire du moment, TRANSDEV, il a fallu créer, dans l’urgence, une société publique locale pour gérer en direct le réseau des bus urbains.
Sitôt dit, sitôt fait, et pourquoi pas d’ailleurs puisque le privé est défaillant, et que la gestion directe des services publics, parfois (souvent ?) ça a du bon. Mais le financement de cette SPL pose une question de fond : qui doit financer les transports publics ?
- Sont-ce les entreprises, au titre du versement transport (VT) payé par un prélèvement sur les salaires dans les entreprises de l’agglo de plus de 11 salariés sous le motif que les transports en commun sont faits pour transporter les salariés de leur domicile au lieu de travail ?
- Sont-ce les usagers, par l’intermédiaire du prix du billet, comme c’est le cas pour d’autres outils publics dont on nous rabâche à longueur de conseil que « CE SONT LES USAGERS QUI DOIVENT PAYER », argument qui a pour seul but de justifier le parking, l’autoroute A154, etc ?
- Sont-ce les impôts, au titre, par exemple, d’une nécessaire solidarité pour une politique environnementale ambitieuse qui viendrait diminuer le prix du billet pour encourager l’utilisation des transports en commun, comme c’est le cas pour les jeunes avec un prix du billet quasi nul (10€ par an) ?
La réponse – probablement d’ailleurs sous la forme d’un mix des trois solutions – méritait un vrai débat à l’agglo, au regard notamment de particularités locales :
- à Chartres, les transports en commun ne servent pas au trajet domicile-travail dans l’agglo, mais très majoritairement au trajet domicile-travail vers la région parisienne. En toute logique, ce devrait être aux employeurs de la région parisienne de participer au financement par l’intermédiaire du Syndicat des Transport d’Île-de-France (mais ne rêvons pas). Les entreprises de l’agglo financent donc le transport des salariés pour qu’ils aillent travailler… ailleurs !
- les investissements massifs qui sont prévus et qui justifient l’augmentation drastique du Versement Transport, sont destinés à créer des bus à haut niveau de service (BHNS), non pas entre les quartiers de résidence et la gare (voire les zones d’activité), mais pour transporter les consommateurs du centre-ville vers le futur centre commercial du plateau nord-est…
Mais de débat, il n’y en eut point. La fameuse « méthode » a été appliquée : ce sont les entreprises qui paieront : en quelques années, le versement transport qu’elles acquittent a doublé (de 0,80 à 2 % de la masse salariale). Elles peuvent payer : elles ne votent pas et les patrons sont de droite, comme le chef, et ils n’osent rien dire, redoutant les réactions parfois peu gracieuses de M. Gorges.
Les finances de l’agglo – L’addition (6)
Cette méthode, ces bonnes recettes, ces SPL lourdement engagées aux avances « remboursables » non remboursées, commencent à peser vraiment dans les comptes publics. Car le pire, c’est que malgré les augmentations drastiques des impôts des entreprises et des taxes de toute nature, les recettes fiscales n’y suffisent pas et la dette de l’agglo explose cette année 2019 à plus de 250 millions d’euros. Comme celle de la ville de Chartres à presque 100 millions d’euros.
Évidemment, il y a, à ce stade, deux interrogations quant à cette méthode :
- pourquoi tant de monde la soutient localement ?
- combien de temps cela peut-il durer ?
Les soutiens sont le résultat d’un système qui n’est pas propre à Chartres. Le Maire-Président-Député se trouve de fait à la tête d’un système féodal, en raison des pouvoirs qu’il détient. Ainsi, les associations dépendent de lui pour leurs subventions. C’est le suzerain surtout qui distribue à ses vassaux prébendes et privilèges : le suzerain fait, et peut défaire, ses adjoints, ses vice-présidents, ses présidents de commission, ses délégués etc. C’est lui qui redistribue un peu de ses pouvoirs, assortis de quelques indemnités. C’est lui qui peut nommer à quelques vagues postes accompagnés d’une rémunération, modeste ou non. Ceux qui résistent ou qui se cabrent sont démis. Cela ne prédispose guère à l’indépendance d’esprit ou à la revendication.
Le code général des collectivités territorial a ainsi organisé à l’échelon local, dans toute la France, un système malsain, miroir des institutions monarchiques que subit le pays tout entier. L’élu peu porté à la concertation devient donc très tranquillement un petit autocrate devant qui tout le monde finit par plier.
Autant dire que, à Chartres et à l’agglo, dont le suzerain n’accepte que très difficilement qu’on le contredise, la fuite en avant financière ne trouve et ne trouvera aucun frein en interne. Bref, pas de raisons que ça bouge. Et comme tout ça est financé par de la dette, ça ne se voit même pas dans les impôts ! Si on fait le compte des surcoûts engendrés par la méthode Gorges sur la ville et l’agglo, à combien se montera l’addition finale ? Essayons de l’approcher à grands traits :
- le surcoût de la station d’épuration : 10 millions ;
- les emprunts pourris : 12 millions (agglo), 12 millions (ville), combien à l’hôpital ? ;
- les honoraires d’architectes versés pour rien (Zaha Hadid (Parc Expo), Amar (les boulevards), Chemetov (les Bas-Bourgs)…) : 5 millions d’euros ;
- le surcoût du palais du maire : au moins 30 millions ;
- les pertes à terminaison sur les programmes des SPL ?…
Le total se montera probablement à terme entre 50 et 100 millions d’euros de dette en plus !
Mais la dette, il faut le répéter sans cesse, ce n’est pas du développement durable ! C’est l’impôt des générations futures. À Chartres, elles sont déjà largement hypothéquées. C’est la raison pour laquelle, pour refonder notre démocratie, il faut s’interroger sur le cumul des mandats :
- pas plus d’un mandat à la fois
- pas plus de deux mandats dans le même poste.
Ce qui n’empêche pas de faire une carrière politique en se faisant élire dans un autre mandat. Ce serait dommage de se priver de compétences…
Génial Gorges ? Il faut attendre encore un peu (mais pas trop, sans doute) pour faire le bilan. Et comme on dit dans mon Perche natal : « »c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses… » »
Eric Chevée