Les conditions idéales, de Mokhtar Amoudi
Voilà un premier roman particulièrement intéressant et plein d’humour ! Les livres et les chansons sur la banlieue sont légion depuis les années soixante-dix. Entre les témoignages, les analyses sociales et les dénonciations d’un ghetto à la française, il est toujours difficile de se rendre compte de la réalité du quotidien des habitants.
Depuis l’immigration économique des années soixante et la montée de l’extrême droite dans les années quatre-vingts, la France est engluée dans ce problème de banlieue sur fond de crise économique, de drogue et de règlements de compte. Depuis quarante ans, les gouvernements passent et ne parviennent toujours pas à trouver une solution miracle pour apaiser les tensions. L’actuelle crise du logement n’a rien arrangé non plus.
Les conditions idéales, le premier roman de Mokhtar Amoudi, nous plonge dans cette banlieue parisienne avec ses codes, ses clans, ses bagarres, ses secrets et la vie de ces jeunes adolescents issus de l’immigration.
Skander est un enfant confié à l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Sans père et une mère perdue, l’enfant va de foyer en foyer pour atterrir à l’adolescence chez Madame Khadija vivant dans un quartier de la banlieue parisienne à Courseine. Curieux et désireux de concrétiser ses rêves, Skander se débrouille bien à l’école. Les résultats suivent jusqu’à ces rencontres fatales dans le Grand Quartier.
Entraîné par des jeunes sur la voie de la délinquance, Skander goûte davantage le sirop de la rue que celui de l’enseignement. Une voie qui le conduit inéluctablement sur le chemin des bagarres entre clans de quartiers et celui de la drogue et de l’argent facile. Reconnu par ses tuteurs comme un gamin intelligent et à l’avenir prometteur, le jeune Skander parvient malgré tout à se sortir de toutes les situations délicates dans lesquelles il s’est mis.
Avec son regard attendrissant sur ce que produit la banlieue dans le positif comme dans le négatif, Mokhtar Amoudi n’apporte aucun jugement. S’il est plus aisé de céder à l’argent facile, ceux qui s’en sortent par la grande porte des études et de la ténacité gagnent le respect. Dans ce livre initiatique, le romancier nous éclaire sur l’humanité de tous les acteurs des quartiers de la banlieue.
Par ailleurs, le roman de Mokhtar Amoudi sonne étrangement comme un écho à la très belle chanson Banlieue de Karim Kacel de 1982 : « Ce n'est qu'un enfant, qui rêve de grands vents, Donnez-lui de l'espace, qu'il efface ses tourments. »
Pascal Hébert
Les conditions idéales, de Mokhtar Amoudi, éditions Gallimard, 246 pages, 21 €.
Photographie Francesca Mantovani