Le maire de Chartres poursuivi pour injures publiques

Quentin Guillemain a décidé de faire traduire Jean-Pierre Gorges devant le tribunal correctionnel de la ville. L’élu municipal Chartres Écologie reproche au maire de Chartres d’avoir proféré des injures publiques et des menaces à son encontre pendant et après le conseil municipal de Chartres du 17 septembre dernier. Cactus s’est entretenu avec lui.

1. Quentin Guillemain, pouvez-vous nous résumer l’affaire qui vous a conduit à saisir la justice ?

Depuis notre élection, le Maire n’a eu de cesse de mépriser et d’injurier les élus d’opposition pendant les conseils municipaux, quand il ne s’agissait pas de menaces déguisées. Cela a commencé dès le premier conseil municipal où il s’est adressé à moi avec un « il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes… », puis en qualifiant d’un ton méprisant chacune de nos interventions pourtant respectueuses et argumentées.
Cela s’est poursuivi à chaque séance avec une apogée lors de la séance du 17 septembre dernier lorsque nous avons fait des remarques sur le choix du nom donné au parc situé dans le quartier de la Madeleine. En réponse à mon intervention, le Maire a choisi la violence : « vous méritez deux claques ». Cela a continué en fin de séance avec l’intervention de mon collègue Jean-François Bridet quand il a qualifié notre démarche de « fascisante », avant de nous comparer à des « ayatollahs » et à des « fachos ».
Nous avons dû quitter la séance, considérant que le climat du conseil municipal ne nous permettait plus de tenir notre rôle sereinement. Le lendemain, un article paru dans l’Écho républicain a relaté les incidents.
Dans ce même article, le Maire assume ses propos injurieux et nous qualifie de « Khmers verts », dans un parallélisme aux Khmers rouges, mouvement politique ayant commis un génocide envers la population cambodgienne dans la deuxième moitié des années 1970. Enfin, la tribune de la majorité municipale parue dans Votre Ville, entièrement consacrée à vouloir me ridiculiser par des propos indignes, moqueurs et injurieux, m’a définitivement convaincu qu’il fallait mettre fin à cette escalade verbale.
De tels propos de la part du Maire sont particulièrement indignes de la fonction qu’il occupe et ne sont pas acceptables.

2. Il est un fait que l’agressivité du maire se focalise sur vous et sur un autre élu écologiste, Jean-François Bridet. Comment l’expliquez-vous ?

Nous avons toujours eu comme seul objectif d’être une opposition constructive. Quand nous pensons que ce qui est fait va dans le bon sens, nous le disons, quand nous pensons que ce n’est pas le cas, nous le disons aussi, tout en expliquant les raisons qui guident nos choix. Pour autant, il semble que Jean-Pierre Gorges ait un problème avec les personnes qui ne sont pas d’accord avec lui et qui le disent.
Souvenous-nous que le Maire a refusé un débat télévisé avec ses contradicteurs avant le 1er tour des municipales…  Il n’accepte pas le débat démocratique, alors même qu’il est en position de force avec une majorité confortable. Il faut dire que sa majorité n’est pas très bavarde…
Sur les sujets municipaux structurants et pointus, le Maire ne fournit aucune réponse précise et convaincante. La violence verbale qu’il pratique n’est qu’une manoeuvre servant à cacher l’inefficacité de son bilan.
Jean-Pierre Gorges a une vision monolithique de la politique et de sa fonction. Alors que nos concitoyens demandent de l’apaisement et qu’ils sont inquiets pour leur avenir, le Maire de Chartres est concentré sur l’ego de sa seule personne. Il se considère comme le « sachant », les autres n’étant considérés que comme la plèbe qu’il faut remettre dans le droit chemin… Motivé par son seul intérêt personnel, il n’a que faire de l’intérêt général.
Un exemple ? Lors du confinement du printemps dernier, toutes les réunions associant les sensibilités politiques du conseil municipal ont été annulées pour un mois. Conseils municipaux, commissions municipales, etc. Pourquoi s’embêter avec l’opposition quand on peut faire sans, sous prétexte d’un contexte sanitaire particulier ? Et pourtant, il aurait pu en être autrement en prenant contact avec l’ensemble des groupes du conseil municipal pour échanger autour de pistes d’actions de la municipalité face à cette situation. Des solutions techniques existent aussi pour se réunir à distance. Mais le roi préfère régner seul…

3. Votre avocate et vous avez choisi de mener une procédure spécifique, qui ne passe pas par un dépôt de plainte classique. Pour quelles raisons ?

En effet, nous avons choisi de passer par une citation directe au tribunal en lui demandant de déclarer Jean-Pierre Gorges coupable d’ « injures publiques » sur ma personne. Cette procédure simplifiée permet à la victime d’une infraction de convoquer directement l’auteur présumé devant le tribunal correctionnel via un huissier. Cette procédure peut être utilisée lorsqu’il existe des preuves suffisantes et que le tribunal peut juger l’affaire sans délai. Cela permet un jugement plus rapide qu’une procédure habituelle. La première audience (de consignation*) est prévue le 19 novembre prochain au tribunal correctionnel de Chartres.

4. Vous engagez cette procédure sur vos fonds personnels tandis que Jean-Pierre Gorges va utiliser l’argent public pour se défendre. N’avez-vous pas le sentiment d’un combat déséquilibré ?

C’est la triste réalité des batailles juridiques. Certains disposent de moyens que d’autres n’ont pas. Dans la procédure qui m’oppose à Lactalis dans l’affaire du lait infantile contaminé, le combat est certainement encore plus déséquilibré. Le maire de Chartres s’était amusé de l’installation place des Halles des statues de David et de Goliath, oeuvres de l’artiste Christophe Charbonnel, face au pôle administratif où ont lieu les débats entre majorité et opposition. A la fin de l’histoire, ce n’est pourtant pas le plus puissant qui gagne…

5. Que réclamez-vous de la justice ?

Je demande un jugement et des sanctions pénales exemplaires. Des propos de ce type n’ont pas leur place dans les lieux où doivent s’exprimer toutes les sensibilités politiques de notre ville. Je demande à la justice de montrer que tout n’est pas possible. Que les limites ne peuvent pas être franchies ainsi sans impunité. Est-ce normal de se rendre au conseil municipal en se demandant à quelles nouvelles menaces ou injures du Maire on va s’exposer ? Le Maire a la responsabilité de la police de l’assemblée, la responsabilité de faire en sorte que tous puissent s’exprimer. Il doit donc être exemplaire en la matière.

6. Quel est votre état d’esprit à la veille de ce rendez-vous judiciaire, sachant que d’autres viendront s’ajouter bientôt ?

Je suis serein. J’ai une grande confiance en la justice et en son impartialité.

*Au cours de cette audience, le juge va uniquement fixer le montant de la consignation payable par le plaignant. Il s’agit d’une sorte de caution pour éviter les procès stériles. L’audience pour juger le fond de l’affaire aura lieu plus tard.

Propos recueillis par Gérard Leray