Le dernier hiver du Cid, de Jérôme Garcin
C’était une vedette de l’après-guerre. Gérard Philipe, le jeune prodige du théâtre français, engagé auprès de Jean Vilar, a fait tourner les têtes de bien des jeunes filles des années cinquante. Avec sa silhouette d’éternel jeune homme et sa fougue scénique ou cinématographique, Gérard Philipe demeure une icône. Certains pensent à tort ou à raison que Francis Huster est son fils spirituel. Au diable les comparaisons, Gérard Philipe est un cas dans le théâtre comme il y en eut à foison au cours de cette période. Malgré tout, son cas relève maintenant de la mythologie.
Gérard Philipe est mort le 25 novembre 1959 alors que la vie, les projets et le succès s’offraient à lui. Avec méthodologie, Jérôme Garcin a pris place dans la machine à remonter le temps pour nous parler des derniers jours du Cid. N’y voyez rien de macabre ou de funeste dans cette entreprise au jour le jour. Jérôme Garcin évoque les derniers mois d’un homme, dont l’impressionnante vitalité est ralentie par l’implacable maladie qui n’a pas encore de nom. De Ramatuelle, son lieu de villégiature, à la rue de Tournon à Paris, en passant par la clinique, on suit pas à pas Gérard Philipe et ses proches dont sa femme Anne, qui fera tout pour qu’il ne connaisse pas l’étendue de la maladie et une fin toute proche.
L’opération à la clinique Violet ne laisse aucun doute. Gérard Philipe, dont l’état se détériore, n’en a plus que pour quelques jours, voire quelques semaines. Le cancer avancé du foie ne laisse aucune chance de rémission. C’est toute une stratégie qui se met en place autour du comédien pour que ce dernier continue de vivre en s’abreuvant de projets. Au hasard des pages, on rencontre les amis d’Anne et de Gérard Philippe qui le suivront jusqu’à la tombe. Et puis il y a cet hommage de Jean Vilar, si vrai : « La mort a frappé haut. Elle a fauché celui-là même qui, pour nos filles et nos garçons, pour nos enfants, pour nous-mêmes, exprimait la jeunesse. Il reste à jamais gravé dans nos mémoires. Travailleur acharné, travailleur secret, travailleur méthodique, il se méfiait cependant de ses dons, qui pourtant étaient ceux de la grâce. Il reste l’un des plus purs visages de notre profession. »
Pascal Hébert
Le dernier hiver du Cid, de Jérôme Garcin, éditions Gallimard, 198 pages (17,50 €).