Le COMPA, un musée renommé lâchement sacrifié
Comment trouvez-vous le nouveau coup de poker proposé par le maître local des échecs ?
Cactus vous propose un petit zoom arrière, notamment pour les nouveaux habitants de notre communauté d’agglomération, afin de mieux cerner l’ensemble de la problématique.
Acte 1 : un phare culturel en Eure-et-Loir.
Ce magnifique lieu, ancienne rotonde ferroviaire autrefois consacrée au remisage des locomotives (cf : clin d’œil dans l’appellation de ce musée : le COnservatoire des Machines et Pratiques Agricoles), a ouvert ses portes en 1990, inauguré par Jack Lang, sous l’impulsion de Martial Taugourdeau, président gaulliste du conseil général d’alors. L’ambition était au rendez-vous : expositions, permanentes et temporaires, consacrées à l’agriculture dans sa globalité, au cœur d’un département rural par excellence, à travers l’histoire ; service pédagogique efficace et varié ; des manifestations de grande qualité : défilés de tracteurs et matériels anciens, festivals de cinéma, conférences. De 2001 à 2013, ce musée a reçu chaque année environ 50 000 visiteurs de l’Europe entière. C’était d’ailleurs le plus fréquenté des établissements muséaux du département et le plus grand site européen sur cette thématique de l’agriculture.
Acte 2 : un conseil général moteur de l’offre muséale.
Jusqu’à ce que l’ancien président, Albéric de Mongolfier, préfère (en 2017) le mandat de sénateur à celui de président de l’exécutif départemental, tout paraissait aller dans un ordre établi, plutôt paisible, mais volontaire. Notons sa fermeture, entre 2014 et 2016, pour rénover et restructurer l’ensemble du bâtiment et des collections, pour la coquette somme de 1,5 million d’euros, mais qui n’a pas été suivi de relance.
Acte 3 : un caillou dans la chaussure.
Le nouveau responsable de ce conseil devenu départemental, Claude Térouinard, «gorgeocompatible» comme on dirait dans le milieu, prend les manettes et cède, forcément, à toutes les demandes de celui qui veut à tout prix installer une salle « culturelle et sportive » en centre-ville, aux risques d’asphyxier le secteur par des nuisances multiples.
L’aménagement de la ZAC du pôle gare accuse beaucoup de retard. Alors que le chantier de cette salle vient d’ouvrir, la plateforme multimodale, prévue à coté, n’est toujours pas réalisée d’autant qu’elle doit couronner le nouveau parking (concédé à Qpark) qui, lui, n’est pas commencé ! Une question sepose donc : où mettre la gare routière, démolie pour faire place à un escalier monumental qui mène à la passerelle dont l’ouverture se fait attendre ?
Alors, surgit l’idée d’utiliser l’espace du COMPA, situé à la frontière entre Chartres et Mainvilliers, comme gare routière « provisoire ». Encore un coup de pied pour condamner le COMPA. Mais que faire de ces 8 000 pièces – dont 360 tracteurs – afin qu’elles conservent leurs qualités, sous la houlette, entre autres, d’une association, les amis du musée, très impliquée ? Pourtant ce lieu remis à neuf est à nouveau prêt, potentiellement, à drainer de nombreux visiteurs, qui viennent admirer la cathédrale mais aussi s’intéresser à la culture beauceronne, dans sa capitale du plat-pays.
Acte 4 : déménager ce musée à la campagne en arguant de sa « perte de vitesse ».
En 2019, seulement 5 300 curieux ont fréquenté le COMPA. Une décrépitude à mettre au passif de l’actuelle majorité politique qui n’a pas su prendre le tournant de l’adaptation. Bien évidemment, on peut trouver des arguments positifs pour cette idée de déménagement : ne pas privilégier la population et le tourisme urbains pour une offre culturelle. « L’agriculture se doit d’être en zone rurale, cela tombe sous le sens », dixit Claude Térouinard, lequel plaide pour le transfert du COMPA dans le Dunois, sa région de résidence, à Châteaudun précisément, dans des anciens bâtiments militaires aujourd’hui désaffectés.
L’enjeu qui se jouera en juin prochain, avec les élections départementales, est d’importance : avoir la maîtrise politique et financière du conseil départemental. La droite eurélienne est profondément divisée et, actuellement, les deux clans (montgolfiéristes et gorgiens) sont en nombre pratiquement égaux. Mais le maire de Chartres, toujours en recherche d’argent, verrait sans doute d’un bon œil que son écurie – Masselus, Dorange, Fromont, Martial… – prenne les rênes du Département. Ce serait plus facile pour le financement des projets chartrains.
Fabien Verdier, le maire de Châteaudun, ex-socialiste -, est quant à lui en plein « développement de croissance ». Après la présidence du grand Châteaudun, il se verrait probablement bien avec un mandat plus étendu encore… Il est géographiquement plus proche du député Philippe Vigier, grand opposant à Gorges. En copinant avec Gorges, il se positionne face à l’élu national cloysien.
Gorges, candidat à la présidentielle de 2017 (il ne lui a manqué que…450 signatures de grands électeurs), pourrait faire d’une pierre deux coups : dégager de la place dans sa ville et conquérir « un nouvel ami », pour prendre le Département. Tout cela, c’est ignorer l’intérêt que pourraient avoir des touristes qui visitent Chartres d’élargir leur champ de connaissance en découvrant les collections agricoles. Car, sans faire offense à la capitale du Dunois, il est peu probable que des touristes aillent visiter Châteaudun uniquement pour admirer les anciennes collections du COMPA, simplement stockées, sans valeur ajoutée d’un musée, même si le château médiéval présente un grand intérêt.
Acte 5 : Comme Poutine avec la Crimée.
L’importance de l’échéance électorale de juin est très forte. Les élections permettront, ou pas, à celui qui maltraite la ville-préfecture depuis plus de vingt années de prendre le Département, pour toujours plus de dégâts collatéraux. On voit bien qu’il cherche à montrer un visage « bienveillant » dans la presse locale, très peu critique à son égard. En faiseur de vassaux, il a décidé d’adouber le duo de la gauche édulcorée Roux/Lemaitre, candidat à son rempilage.
Après le musée des Beaux-arts, cédé pour l’euro symbolique à la ville de Chartres voici deux années, le Conseil départemental perd donc encore « un bijou de famille », au bénéfice de celui qui voudrait diriger l’ensemble du domaine eurélien.
Ainsi soit-il dans le monde des échecs, roquer, toujours et encore. Pour ne pas finir en roquet de service ?
Au fait, que deviendra la rotonde des locomotives ? Reconversion ou démolition ?
La rédaction