Lacrymots
Parfois les articles de l’Echo Républicain piquent le nez, comme ceux sur JPG ou sur les déchets amiantés de l’ancienne caserne des pompiers. Parfois, ils piquent les yeux à en pleurer : https://www.lechorepublicain.fr/chartres-28000/actualites/en-direct-bloquons-tout-suivez-la-mobilisation-en-eure-et-loir_14745935/
De nombreuses personnes présentes à Chartres, lors de la manifestation spontanée du 10 septembre dernier, disent avoir pleuré deux fois dans la même soirée. Une première fois sous les gaz des gardiens de la Paix et la seconde, devant le traitement médiatique des gardiens de la Pensée.
Nous étions là, debout, silencieux pour certains, en train de chanter pour d’autres. Des pancartes dans les mains, des slogans sur les lèvres, et une volonté commune : bloquer joyeusement cette machine de mort qu’est devenue notre société. Il était environ 19h30, nous occupions symboliquement la place des Epars depuis quelques minutes, lorsqu’un groupe de CRS casqués est apparu à l’horizon. Il n’y eut ni projectiles, ni provocations de la part de la manifestation. Juste une centaine de citoyennes et de citoyens, des familles, des jeunes, des moins jeunes, tous fiers de défendre l’esprit de la devise française face à une oligarchie ivre d’argent et de pouvoir.
C’est là que les récits diffèrent profondément. Voici la version officielle de l’Echo : « Une centaine de manifestants, sur la place des Epars, bloquaient la circulation des bus et des automobilistes, boulevard Chasles. Deux sommations par haut-parleur ont été émises par les forces de l'ordre : "Première sommation : nous allons faire usage de la force. Deuxième sommation : Quittez immédiatement les lieux !" Une partie des manifestants s'est reculée, mais une autre partie a tapé sur les boucliers des policiers, qui ont lancé du gaz lacrymogène en direction d'eux sans viser leurs visages. Le groupe s'est alors reculé sur le trottoir, afin que la circulation des bus et des voitures reste fluide. »
Voici une autre version, vécue de l’intérieur : « Sans sommations audibles par la plupart des manifestant-es, les CRS ont rabattu brutalement les quelques personnes se trouvant encore sur la chaussée, dont une femme se trouvant dos aux CRS et qui aurait pu être gravement blessée si elle était tombée sur le pavé. Cette charge policière disproportionnée a forcément suscité des cris de colère et d’indignation, et des gestes de défense sur les boucliers lors de l’impact entre les gentils CRS et les méchants manifestants. Derrière ses sbires, tel un barreur d’aviron, le commissaire exultait : « Poussez-les ! Allez-y, poussez-les !! » Jusqu’à l’emploi final d’une arme de catégorie D, contenant principalement des agents irritants chimiques conçus pour provoquer une incapacité temporaire par irritation des yeux, des voies respiratoires et de la peau, sur des dizaines de visages en pleurs, dont des mineurs. »
La scène interroge. Pourquoi gazer des citoyennes et des citoyens qui n’ont ni cassé, ni insulté, ni menacé ? Pourquoi répondre par la force à ce qui n’était qu’un simple sursaut démocratique bon enfant, comme c’est toujours le cas à Chartres ? L’usage des gaz lacrymogènes, censé être encadré par des protocoles stricts, semble ici avoir franchi une ligne : celle du bon sens. Rappelons que la journée du 10 septembre était logiquement soutenue par une bonne partie du peuple français. Rappelons également qu’aucune dégradation n’a été commise ce jour-là à Chartres, et qu’aucune interpellation n’a été réalisée. Voici, pour finir, une courte vidéo tournée au plus proche des évènements. Faites-vous votre propre opinion. Dans ces images, qui vous semblent les plus violents ?
Sylvain Desmaison