La volonté, de Marc Dugain
Marc Dugain est un spécialiste de l’Histoire et de ce qui se cache dans les coulisses. Après un voyage dans le futur, il nous revient cet automne avec La volonté, un livre plus intime comme savent si bien le concocter les grands écrivains. Marc Dugain a ce petit quelque chose en plus qui vous fait aimer un livre ne vous concernant pas directement. C’est là tout le talent de ces être rares se distinguant par leur universalité. D’une histoire de lien entre un fils et son père, Marc Dugain a su en tirer l’essentiel. C’est-à-dire tout ce qui va au-delà des mots, tout ce qui percute l’âme et le cœur.
L’histoire de ce père animé d’une volonté à toute épreuve, est particulièrement émouvante à bien des égards. Car au-delà du lien filial qui lie l’auteur à son héros, c’est tout un pan de la société humaine du 20e siècle que nous montre avec brio Marc Dugain. La volonté est également un voyage dans le temps et l’espace avec un couple exceptionnel qui prouve, malgré les handicaps, que l’on peut forcer le destin. Dans notre époque et notre pays – où l’on a la mémoire courte – on oublie que la polio et la tuberculose étaient des maladies graves que les vaccins ont éradiquées. Comme de nombreuses personnes nées avant guerre, le père de Marc Dugain a été victime du virus de la polio. Dans une famille bretonne, sans le sou et en pleine Seconde Guerre mondiale, c’est une catastrophe de plus qui s’abat. Avec un père disparu avant le conflit, la famille tente de s’en sortir pour survivre.
Mais le destin sourira malgré tout à ce garçon qui sera pris en main par un spécialiste parisien. Après plusieurs opérations et une volonté de fer, le jeune homme parviendra à refaire marcher une de ses jambes tout en continuant de brillantes études. Marc Dugain, avec le talent qu’on lui connaît, nous ouvre les portes d’une société impitoyable pour les plus modestes. Plusieurs scènes sont magnifiquement émouvantes comme la première rencontre du père de Marc Dugain avec sa future belle famille. Le choc entre une gueule cassée et l’handicapé est brillamment écrit tout comme l’autre choc entre la future épouse et un autre monde en Bretagne.
Marc Dugain explique parfaitement la place des hommes dans la société en ce début d’après guerre. Entre deux, le romancier ne manque pas d’asséner quelques vérités sur ce que nous sommes devenus : « Le matériel, l’objet participent d’une névrose collective, d’une aliénation qui ne guérira plus. Il faudrait alors la lucidité d’un esprit dérangé pour percevoir que la civilisation prend une voie qui conduira irréversiblement à sa destruction. La science, la technologie, l’industrie asservissent la nature à leurs besoins en plongeant l’individu isolé dans l’ignorance de son environnement et dans une solitude croissante. Cet individu, désormais, est avant tout un producteur et un consommateur, et les seules connaissances qu’on va lui enseigner sont utilitaires. » A méditer…
Pascal Hébert
La volonté, de Marc Dugain, éditions Gallimard, 284 pages, 20 €