Votez VERT !

Le barnum médiatique général n’a pas cessé au long de cette campagne de résonner des mots de « sécurité » et d’« abstention ». Comment ce barouf peut-il tenir alors que le vrai péril, contre lequel les candidats écologistes aux élections départementales et régionales mènent un combat civique, est ailleurs ? Ce danger absolu, le voici résumé en quelques lignes :

« L’Homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot par son insouciance pour son avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce.

En détruisant partout les grands végétaux qui protégeaient le sol, pour des objets qui satisfont son avidité du moment, il amène rapidement à la stérilité ce sol qu’il habite, donne lieu au tarissement des sources, en écarte les animaux qui y trouvaient leur subsistance, et fait que de grandes parties du globe, autrefois très fertiles et très peuplées à tous égards, sont maintenant nues, inhabitables et désertes (…). On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable. » (*)

Ces réflexions datent… de 1820 : il semble bien que nous nous approchions du stade qu’anticipait Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), zoologue et botaniste, premier théoricien de l’évolution des espèces.

Chartres, son département, sa région

Ici et maintenant, plus personne ne peut nier que les lois du marché impactent chaque jour le cadre de vie, la santé, les conditions de vie (de travail et de transport, notamment) et la vie psychique. Reste à comprendre comment se répartissent les responsabilités.

Pour ce qui concerne notre ville, l’extrême importance des strates de pouvoir départemental et régional, chacune avec ses prérogatives spécifiques, est patente. Rien ne freine l’inexplicable folie bâtisseuse du maire. Sans les subventions de la Région, il n’aurait pu envisager de construire son Zénith et, sans le Département, il ne pourrait être question d’autoroute entre Dreux et Orléans. Sans parler de la reprise d’une marotte qui a sévi voici vingt ans avec le projet de Beauvilliers (planter un aéroport au milieu de la Beauce ; l’actuel maire en fut l’avocat principal), reprise, donc, sous forme de l’agrandissement de la piste de Châteaudun, inventée par des politiques en mal de chantiers pharaoniques, sans doute, puisque même le monde économique n’a rien demandé !

A chaque fois, il s’agit de canaliser l’argent public vers les méga-entreprises du bâtiment ; ou du stationnement, des panneaux urbains, de la vidéo-surveillance, énormes investissements dont le caractère profitable pour la collectivité n’est guère assuré, tandis que la rentabilité incertaine doit en être sans fin comblée par l’impôt. Rappelons-nous, en cette veille d’élections, la taxe additionnelle votée à l’automne dernier sans vergogne par la majorité ultra-libérale.

« Grands végétaux »

Lamarck emploie cette image, comme on pourrait dire : « grands animaux ». Il y a du massacre dans l’air. C’est le cas à Chartres, où l’amour de la nature est vendu à grands frais (avec nos impôts) dans Votre Ville. En ce moment, après la vente d’une propriété rue des Petites-Filles-Dieu à des promoteurs, suivent les espaces des Perriers, le coteau du Clos vert : autant de bois et de bosquets vendus aux plus offrants pour remplir des quartiers d’immeubles dotés de parkings souterrains. Outre le rasage systématique (adieu les puits de fraîcheur, dont on a tant apprécié ces jours-ci la présence), sont forcément inscrites au programme la défiguration de Chartres et la perturbation de quartiers qui ne peuvent absorber ni la circulation, ni le soudain accroissement de population, quand ce n’est pas le danger pur et simple de constructions inconsidérées (dans des marnières, par exemple).

Ville en solde

Au cours du week-end des 13 et 14 juin, la société qui commercialise les logements de standing réalisés dans l’ancien collège Jeanne d’Arc, sis route de Lèves, offrait quinze mille euros de réduction sur la vente. En lisant le prospectus, on ne sait de quoi s’indigner plus : de l’accaparement du patrimoine collectif (c’était un lieu d’enseignement et, à ce titre, inaliénable dans le principe), des rabais consentis pour compenser une vente trop molle, alors que les constructions se poursuivent partout à un rythme effréné.

Tiens, quelqu’un est-il au courant ? Place Morard, là où l’EDF autrefois installée a laissé un terrain pollué, là aussi un promoteur cherche le chaland : qui sait si la dépollution a été effectuée ? Si oui, où consulter les preuves ?

Un autre exemple, un autre désastre et, là, on a installé des hublots pour mieux le voir ! Méthodes de vente parfois sadiques. C’est rue Noël-Ballay, vous avez deviné : il ne reste rien du jardin sauvage, impression de quartier bombardé. On a l’impression qu’une machine folle est lancée, comme s’il fallait user des cinq ans qui restent pour parfaire le saccage, profits pour les uns, pertes et désolation pour ceux qui subissent l’enlaidissement de leur rue, la perte pure et simple de la lumière (rue des Bouchers, rue Gabriel-Péri), d’un certain mode de vie, et contribuent à payer la note, quoi qu’il en soit.

A travers ces clichés glanés au hasard des déplacements dans la ville (et ce ne sont ici que quelques-uns), on mesure à quel point la concentration des pouvoirs locaux dans les mêmes mains politiques (présidence du département, mairie, agglo) est génératrice d’aberrations. Seuls des élus engagés au service d’une gestion sobre des ressources (le sol, la nature urbaine, l’agriculture) et d’une conception durable de l’économie et de l’emploi, d’une collectivité resserrée autour de projets humanistes, peuvent proposer des alternatives et, ainsi, rassurer, rétablir entre les citoyens l’indispensable concorde qui, elle-même, génère le respect du vivant… Deux siècles après la mise en garde de Lamarck qui, malgré son intuition, était loin d’imaginer les performances à venir.

Chantal Vinet, présidente de l’association Chartres Écologie

(*) Système analytique des connaissances de l’homme (1820).