De la collapsologie

Pablo Servigne est ingénieur agronome et docteur en biologie, cependant que Raphaël Stevens est chercheur en prospective. Leur ouvrage, Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, peut laisser penser qu’il s’ajoute à la longue liste des annonces d’un futur catastrophique, mais s’il nous décrit toutes les causes et les dangers de la société de surconsommation, il reste toutefois mesuré et prudent et même assez positif.

Certes, les auteurs nous rappellent que le climat s’emballe, que la biodiversité décroît, que la pollution est présente dans les moindres recoins de la planète, que l’économie reste fragile et que les tensions sociales et géopolitiques se multiplient. Cependant, des climato-sceptiques se revendiquant progressistes sèment le doute dans les esprits, comptant sur la science pour résoudre tous les problèmes. Cela alimente une attitude de déni.

Mais même si l’on nous annonce récemment la découverte de nouveaux gisements de pétrole, le déclin de cette énergie fossile est inéluctable. Il arrive un moment où la quantité d’énergie récoltée est inférieure à celle déployée pour l’extraire, cela ne vaut plus la peine de creuser. Les risques d’effondrement sont accélérés par la conjonction de deux phénomènes : l’augmentation régulière de la consommation d’énergie dans le monde tandis que les ressources naturelles diminuent progressivement.

Par ailleurs, Servigne et Stevens rappellent que la biodiversité est nécessaire à la stabilité des éco-systèmes. À l’inverse, son effondrement fragilise notre environnement, ce qui, à terme, peut provoquer maladies, famines et guerres. Les auteurs déplorent les méfaits de l’agriculture industrielle qui épuise les sols et empoisonne les producteurs ainsi que les consommateurs alors que l’alternative de l’agro-écologie est reconnue crédible par des organismes internationaux comme l’ONU et la FAO.

La cause de cette non réactivité est très certainement le modèle économique néolibéral basé sur la croissance et le productivisme, mais aussi par le fait que les riches ne ressentent les effets des catastrophes que bien après la majorité de la population, c’est-à-dire trop tard !

Lors de leurs recherches, Servigne et Stevens se sont aperçu que toutes les crises étaient liées et que le risque était grand de voir se propager un effet domino géant. Prudents, ils nous mettent en garde : cet effondrement annoncé n’est peut-être pas pour tout de suite, mais les connaissances développées dans l’ouvrage devraient nous inciter à agir avec conviction. Dans l’attente du pire, nous devons construire le meilleur, c’est-à-dire savoir s’entraider, promouvoir la sobriété et les « low-tech » ,« cultiver notre jardin ».

Paradoxalement, cet essai au titre plutôt inquiétant, nous laisse après lecture, un sentiment rassurant, et positif. Pablo Servigne, en prolongement de cet essai écrira en 2017 : « L’entraide, l’autre loi de la jungle.

Denys Calu

Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes, éditions Anthropocène, Seuil 2015, 268 pages, 19 €.