Avers, de Le Clézio
Lire JMG Le Clézio, c’est entrer au cœur même de ce qui fait la littérature. Beaucoup écrivent, sont publiés, mais peu approchent les sommets de l’art littéraire. Certains frôlent parfois Maupassant ou Flaubert sans jamais atteindre le Graal. Avec Avers (Des nouvelles des indésirables), JMG Le Clézio nous comble.
Tous les ingrédients de l’universalité sont réunis pour se poser sur une écriture pleine, coulée dans une langue bien humaine : « Pour moi l’écriture est avant tout un moyen d’agir, une manière de diffuser des idées. Le sort que je réserve à mes personnages n’est guère enviable, parce que ce sont des indésirables, et mon objectif est de faire naître chez les lecteur un sentiment de révolte face à l’injustice de ce qui leur arrive. » prévient le romancier.
Les indésirables de JMG Le Clézio sont tous enracinées dans leur humanité faite de tradition et jamais loin de la nature. Les nouvelles qui composent ce livre nous transportent dans ce qui anime l’homme, secoué dans un monde perdu menantune course effrénée vers sa perte. Entre déforestation, usine, cartel, déplacements de population, immigration économique, les femmes et les hommes que l’on rencontre subissent le plus souvent la loi de l’autre. Face à cette violence, Le Clézio met en évidence avec force l’humanité de ces personnes tentant de trouver leur place sur cette terre.
On ne sort pas indemne de cette lecture. Le romancier nous met sous les yeux avec ses mots, ce qu’il y a de plus désespérant en l’homme. Retenons deux histoires épatantes : celles de Renault et d’Aminata, les fantômes de la ville qui ne disent même plus : regardez moi, j’existe. Parfaitement écrites, ces deux nouvelles nous renvoient à nos devoirs vis-à-vis de ceux qui viennent d’un ailleurs pour faire fonctionner l’économie française. Et le premier d’entre eux : le respect de l’autre.
Le Clézio qui est un grand écrivain ne s’endort pas sur ses lauriers. Ses livres ont du sens et cherchent à nous faire réfléchir, réagir. Ses combats nous rappellent que l’essentiel est souvent proche de nous. Il y a des gestes qui nous désarment et il y a des livres qui nous remettent à l’endroit grâce notamment à la magie de la littérature que JMG Le Clézio définit si bien : « Je milite en faveur d’une littérature qui n’est pas seulement de distraction mais qui possède aussi une profondeur, une résonance, une complication intellectuelle. La littérature ne doit pas être facile. Elle n‘est ni le langage courant, ni la représentation de l’actualité. La littérature est recherche et critique : elle est un art de la difficulté. »
Pascal Hébert
Avers, de JMG Le Clézio, éditions Gallimard, 220pages, 19,50 €.
Photographie : Francesca Mantovani