Apprenti(e)s au conseil municipal

En ce mois marqué par l'annulation pure et simple, sans explication, du conseil municipal du 13 octobre, la majorité à la mairie recrute ! Des enfants, des tendrons, de la jeunesse, quoi ! Chacun a pu voir en ville les panneaux publicitaires sur lesquels de spirituels et juvéniles visages sont supposés entendre l'invitation patriarcale : « Deviens acteur de ta ville ! » Cette exhortation (par qui prononcée ?) n'aura pas manqué d'interroger (de heurter ?) aussi bien les potentiels intéressés que leurs parents, peut-être, ou d'autres témoins dubitatifs au sujet de la pratique chartraine de la démocratie...

Pédagogie ?

Dans une ville où les habitants (majeurs comme mineurs) sont beaucoup plus « agis » qu'actifs, par la force et la volonté du maire, il est à peine étonnant qu'un jour de fin d'été, ce dernier sorte de son chapeau le caprice de s'entourer de têtes brunes et blondes. C'est à peu près de la même eau que le repas des seniors, où le premier magistrat fait son show, paraît-il. A quoi les invite-t-il, ces gamins de quatrième et de troisième ? Est-ce lui qui va les prendre en main ? Leur montrer comment on brutalise verbalement un opposant à la tribune ? Comment on lui coupe le micro s'il veut reprendre la parole ? Comment, d'un mot d'un seul, d'un signe, on interdit à sa majorité de répondre à ce même opposant, ou encore comment on distribue aux mêmes une parole archi-rôdée en des scénarios improbables qui permettront de jeter la vindicte sur tel militant écologiste, « khmer vert », « pastèque » et autres métaphores piochées dans le lexique climato-négationniste ? Suite de la formation : l'art de la bétonisation, de la fermeture de collèges et d'écoles (un record), le mensonge aussi,  les vantardises et la valorisation en toutes occasions de ceux qui gagnent  - entendez : du fric.

Repoussoir

Pas sûr que ça roule avec ce jeune public qui sait aussi ne pas s'en laisser compter, d'autant que les ficelles sont grosses. Cet âge est celui qui n'a pas grand-chose à faire de « votre  ville » telle qu'elle est, avec terrasses, magasins franchisés, agences immobilières, où les espaces qui conviendraient à l'énergie des jeunes, à leur plaisir de se retrouver, à pratiquer  la musique ou les jeux sont ceux… dont ils sont exclus. Expédiés des esplanades où le skate est irrésistible. Que pensent-ils des loisirs payants encouragés en ville ? Des échecs, si officiels et largement subventionnés ? Des sempiternels défilés déguisés en « moyenâge » ? Des courses de bagnoles « vintage » ? Des mornes bariolages nocturnes du théâtre ou de la cathédrale avec remerciements aux sponsors ? Leur expliquera-t-on que, pour le commerce, tout est permis ? Un accro-branches dévastateur en plein parc - il faut alimenter les caisses. Ils n'ont pas connu les Maisons pour Tous, autrefois dispensatrices d'activités, de spectacles et de concerts, ni le Muséum où leurs parents ont pu admirer autrefois collections d'insectes, de squelettes, herbiers et autres trésors de fossiles, il faudra bien leur répondre, un peu gênés quand même, que non, on n'a plus cela… Oui, le maire l'a fermé, promettant à la place un auditorium ; ben non, les finances, vous savez, les parkings, le Colisée ont tout avalé… Les musées, ça ne paie pas et, à la mairie, on n'a qu'un credo, qu'on vous fera bien entrer dans la tête : consommer.

Voeux

Et puis qu'ils ne commencent pas à parler de voies cyclables qui durent plus de deux cents mètres, assez sécurisées pour qu'on puisse pédaler avec un peu d'énergie ! Pire, des arbres qui tombent partout sous les coups des engins de chantiers : c'est qu'ils pourraient bien rappeler à l'ordre ces autorités qui leur font miroiter un strapontin de « conseiller/ère municipal(e) de la jeunesse » que les héritiers du monde privé d'eau saine et abondante, d'oxygène et d'espace, des canicules et des pénuries, ce seront eux.

Il se pourrait bien que la parade démagogique tourne pour le moins au casse-tête. C'est prendre le risque d'un revers cinglant que de s'approprier la formation civique des enfants quand on n'a jamais eu la moindre velléité de regarder la ville en tenant compte d'eux. Au moins peut-on faire confiance aux capacités de discernement des futurs élèves : on apprend aussi, en creux, des contre-modèles.

Chantal Vinet, présidente de l'association Chartres Écologie