Liberté-Roazhon, par Alan Stivell
2024 aura été une année riche pour Alan Stivell. Cet éternel jeune homme a mené de front deux tournées, sorti une autobiographie et un double CD. Présent dans les salons littéraires, le barde breton a également fait le tour des cathédrales de Bretagne pour mener son tro Breizh marquant ses soixante ans de carrière. Avec sa harpe, Alan Stivell a fait sonner sa voix dans ces lieux saints pour aller toucher le cœur et l’âme de son auditoire. Son public a pu également le retrouver en version plus rock dans les festivals.
En cette fin d’année, la sortie du double CD, regroupant plusieurs chansons et compositions de son répertoire en version symphonique, constitue un événement. Un événement parce qu’Alan Stivell ne se répète jamais. Liberté -Roazhon est l’occasion unique de retrouver, comme il le dit lui-même, ses titres emblématiques sur des arrangements « à la fois symphonique et de fusion, une musique globale autour d’un centre celtique ».
Parmi les morceaux sous le format symphonique interprétés pour la première fois le 7 avril 2022 à la salle Le Liberté à Rennes (Roazhon), on retrouve quelques extraits de la « Symphonie celtique n°2 ». C’est une toute nouvelle version de la « Symphonie celtique », sortie il y a 45 ans, et qu’il avait donnée au stade de Lorient l’année suivante. Cette symphonie constitue une œuvre à part dans le domaine de la création de l’artiste. Composée de trois mouvements, elle affiche un caractère universel et spirituel si cher à Alan qui soulignait à l’époque les tensions de l’homme : « La tension individuelle du dépassement de soi, la tension communautaire vers un monde meilleur, sinon parfait, la tension universelle vers l’Absolu, l’Infini, Dieu ».
Superbement accompagné par l’Orchestre National de Bretagne, placé sous la direction de Johannes Le Pennec, Alan ne s’est pas concentré uniquement sur sa symphonie, il en a profité pour réarranger des titres connus comme Tri Martolod. Mention spéciale pour Kimiad qui renaît avec une nouvelle couleur orchestrale de haut niveau. D’une exigence absolue, Alan a également repris certains textes qu’il estimait moins abouti.
Avec l’Orchestre National de Bretagne, un bagad, des choristes et la chanteuse Juliette Chevalier, ce double CD constitue une étape importante dans l’évolution d’un artiste en perpétuel mouvement.
Pascal Hébert
Alan Stivell : Liberté -Roazhon, un double CD avec l’Orchestre national de Bretagne (Verycords).
Trois questions à Alan Stivell : « Liberté -Roazhon, c’est 90 minutes de musique et de chant, pour lesquelles j’ai écrit l’ensemble des orchestrations »
Quelle était ton ambition en réarrangeant la Symphonie celtique ?
Alan : Tout d’abord, il est bien entendu que le double album n’est pas ma Symphonie celtique. C’est 90 minutes de musique et de chant, pour lesquelles j’ai écrit l’ensemble des orchestrations jouées par l’Orchestre National de Bretagne et d’autres musiciens, sur des titres connus ou moins, avec, parmi eux, des extraits de ma symphonie. Pour parler d’elle, je n’étais pas entièrement satisfait de la première version : j’étais tellement occupé dans ces années 70 que, de ma composition, il a fallu en faire un arrangement symphonique à six mains. Mon rêve était donc, qu’un jour, je puisse trouver le temps de la reprendre entièrement, pour m’approcher davantage de ce que je veux entendre, mais aussi pour expérimenter moi-même et le public une toute nouvelle approche de l’écriture symphonique (d’où s’éloignent les canons de la beauté classique, mais où mes autres formations musicales ont tout autant droit de citer).
Qu’as-tu ressenti, en jouant et interprétant tes œuvres, accompagné par l’Orchestre National de Bretagne ?
Alan : C’était évidemment un honneur que me faisait l’ONB, et un cadeau de mon agence de tournées (Arachnée). Et encore plus la joie d’entendre ce que j’avais écrit. Marc Feldman, son directeur m’avait quand même proposé un coach, André Couasnon, quelqu’un de très humble pour avoir accepté de ne me donner que des conseils et non pas une co-écriture. J’ai eu ensuite l’autre honneur qu’une maison de disques, Vericords, relève le défi de produire Liberté -Roazhon. C’était une production très lourde, comprenant notamment un mixage de vingt jours.
Quels sont tes projets pour 2025 ?
Alan : Je vais, cette année, terminer les corrections de ma Symphonie celtique n°2, espérant en enregistrer l’intégrale et la donner la saison suivante. En attendant, je prépare une tournée « Liberté » , à partir de juin, sans l’ONB, mais avec une équipe élargie à un quatuor à cordes, un sonneur de cornemuses et whistles Brewen Favreau -, ainsi que mon pianiste-clavier Tangi Miossec. Cela me permettra de faire entendre au public la plupart des portées musicales de l’album, dans une formation à dix, plus transportable. Je repars également en tournée intimiste (Kalon hag Ene, Cœur et âme) principalement dans les églises et pas qu’en Europe. A l’automne, il est question d’une nouvelle diffusion de mon autobiographie, cette fois en quatre ou cinq langues.
Propos recueillis par Pascal Hébert