Aïe aïe aïe, ouille !

Le jugement dans le contentieux opposant Cactus à L’Écho républicain pour un prétendu « dénigrement commercial » qu’aurait commis le premier à l’encontre du second vient d’être prononcé, ce 25 avril 2018, par le Tribunal de grande instance de Chartres : l’assignation judiciaire contre Cactus est annulée, et les sociétés L’Écho communication et La Montagne sont condamnées aux dépens.

En clair, la motivation du Tribunal est fondée sur le fait que les articles de Cactus mettaient en cause L’Écho, le groupe La Montagne et leurs dirigeants, ce qui exclut le dénigrement d’un produit. L’assignation aurait donc dû respecter les exigences rigoureuses de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Nos adversaires auraient dû nous poursuivre sur le terrain de la diffamation ou de l’injure, et non pas sur le fondement de l’article 1240 du Code civil…

Cactus sort grandi de l’épreuve qui a duré dix-huit mois, depuis l’automne 2016. Les membres de l’association Chartres Agglomération Citoyenne 47 (CAC47) et du comité de rédaction de Cactus remercient tout particulièrement leurs deux avocats : maîtres Bruno Galy et Sandra Renda, du barreau de Chartres. De leur propre aveu, ces derniers ont pris un grand plaisir à mener ce combat de principe en faveur de la liberté d’expression. Notre reconnaissance éternelle leur est acquise.

En ce qui nous concerne, les valeurs de la République étant inaliénables, nous ne baisserons jamais la tête.

Paris Dépêches
MagCentre
Basta !


À 14 heures 13, ce mercredi 14 mars 2018, près le Tribunal de grande instance de Chartres, a commencé l’audience des plaidoiries dans le contentieux imposé par le groupe La Montagne-Centre Presse-L’Écho républicain à l’association CAC47, propriétaire du site Internet Cactus.press dans une affaire de prétendu « dénigrement de produit commercial ». Voici la synthèse des débats.

Elle se sent bien seule, Maître Pelletier, l’avocate de L’Écho républicain. Personne du quotidien d’Eure-et-Loir pour la soutenir dans sa plaidoirie. À croire que le plaignant se désintéresse de sa cause. En face, une vingtaine de citoyens de l’agglomération chartraine, dont un maire, pour savourer la défense de Cactus, élaborée par ses deux conseils, Maîtres Renda et Galy.

Maître Pelletier évoque des « propos outranciers » qu’aurait tenu Cactus contre son client dans « 5 ou 6 billets » sur plus de… 900. Mal structurée et balbutiante, son expression tourne en boucle. Pendant un gros quart d’heure, elle martèle : « malveillance », « acharnement », « concurrence déloyale », « atteinte à la réputation », « fake news ». Faute de mieux, elle lit à la présidente et à ses deux assesseurs quelques phrases sévères écrites contre la ligne éditoriale de l’unique quotidien départemental. Pour aboutir à cette conclusion : l’affaire jugée aujourd’hui n’est pas d’intérêt général, elle ne relève pas de la loi sur la presse de 1881 ; elle révèlerait seulement « la volonté de Cactus de détourner et de s’approprier le lectorat de L’Écho républicain ». Sur son banc, Maître Galy bouillonne…

La présidente reprend la main : « Maître, dans vos conclusions, vous ne demandez qu’une condamnation de Cactus à un euro symbolique. Or, le motif initial de votre procédure était l’exigence du retrait du site de Cactus des billets incriminés… » Un blanc. L’avocate se trouble, grimace. Elle fouille dans ses papiers. À son expression gênée, on comprend qu’il s’agit d’un oubli. Trop tard…

Maître Bruno Galy se lance : « C’est un dossier de principe. C’est pourquoi (en montrant le nombreux public), il y a foule aujourd’hui. Cactus, ce sont de vrais citoyens qui s’engagent, en écrivant, en critiquant, au nom de la Liberté d’expression. Cette procédure engagée contre Cactus est insupportable. On a conquis cette liberté, des gens sont morts pour elle. Pendant longtemps, le principal danger contre la liberté d’expression a été l’État. Il y a bien ici ou là, y compris dans notre environnement proche, des pouvoirs politiques locaux qui veulent la restreindre, mais, globalement, le pouvoir politique s’est plutôt calmé sur ce registre.

Très récemment, on a vu une déferlante sur Internet, une pétition en ligne, qui s’est acharnée sur un livre. On n’est pas très loin du totalitarisme… Et puis, il y a les entreprises, en particulier les grandes… Dans le cas présent, il s’agit d’un groupe de presse qui considère qu’on n’a pas le droit de dire du mal de lui.

Vous le savez aussi bien que moi, Madame la Présidente, la jeune Troisième république a inventé en 1881, c’est tout à son honneur, une loi qui protège la presse, en rendant les poursuites contraignantes, éprouvantes même. Là-dessus, la jurisprudence est ferme et la cour de cassation n’a pas l’intention de la bouleverser. Comme ces règles n’arrangent pas les grandes entreprises, elles essaient de les contourner, en invoquant le dénigrement commercial…

Or, dans notre dossier, on est évidemment très clairement dans le champ de la loi de 1881. La cible des critiques de Cactus est identifiable : il s’agit de l’équipe de direction de L’Écho. Donc, si on veut poursuivre Cactus, on est obligé d’aller sur le terrain de la diffamation ou de l’injure.

Sur le fond, CAC47 et son média Cactus ont un objet social fondé sur la vie politique locale et nationale. Ils sont donc inspirés par des sujets d’intérêt général. En l’espèce, critiquer la presse est un sujet d’intérêt général. Tout ce qui concerne la presse relève de la liberté d’expression dans le cadre de l’intérêt général ! Dans ce domaine, la jurisprudence de la cour de cassation française et celle de la cour européenne des droits de l’homme sont sur la même longueur d’onde : sur les questions d’intérêt général, on a le droit à tous les excès en matière de langage. » Et de citer plusieurs arrêts fondamentaux dans ce sens. « Ainsi, dire ou écrire d’un vin qu’il est un « vin de merde » n’est pas condamnable. Evidemment, jamais Cactus ne s’est livré à pareille outrance avec L’Écho…

On a le droit de considérer que L’Écho n’est pas bon ou rend mal compte de l’information. On a le droit d’avoir une appréciation défavorable de L’Écho !

En réalité, l’élément déclencheur de la procédure judiciaire contre Cactus a été la publication à l’automne 2016 d’un billet évoquant la situation sociale difficile au sein de L’Écho, des cas de souffrance au travail. Voilà le fond de l’histoire !

Quant à moi, je ne demande pas le retrait de L’Écho, bien au contraire, je souhaite qu’il s’améliore, je demande la publication de sa condamnation en une… »

Et Maître Sandra Renda, en conclusion, d’enfoncer l’épine du Cactus dans l’échine de l’adversaire : « Ainsi Cactus pratiquerait une concurrence déloyale à l’égard de L’Écho républicain… C’est flatteur pour lui dont l’équipe est constituée uniquement de citoyens bénévoles…

Aucun propos diffamant ou injurieux n’a été relevé par l’accusation ! Alors, cette dernière tente de trouver une parade sur le terrain commercial… Cactus, organe d’expression gratuit d’une association sans but lucratif, retirerait un avantage concurrentiel ? Aucun billet ne va dans le sens d’un détournement de clientèle. Certes le ton est piquant, polémique, est-ce surprenant quand on s’appelle Cactus ? Pour autant, rien dans son expression ne relève de la concurrence déloyale. L’Écho se sent menacé ? Pourquoi n’a-t-il pas utilisé une procédure en référé pour un trouble manifeste et illicite ?

En réalité, le but recherché par L’Écho dans cette procédure judiciaire est d’appauvrir le débat public. »

L’affaire est mise en délibéré. Prononcé le 25 avril 2018.

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